L'Agence spatiale européenne a bel et bien mis à l'ordre du jour de son Conseil du 22 juin une proposition ambitieuse de participation dans un projet de système de transport lunaire avec la Russie. Aucun détail sur le concept de cet engin spatial n'a été rendu public de sorte que l'on peut seulement tirer des conclusions des vues d'artiste qui illustrent cet article, mais également de quelques documents officiels.
L'étude du système de transport conjoint ESA/FSA concerne un vaisseau lunaire composé d'une capsule, de modules de service et d'habitation. La capsule de retour lunaire serait basée sur les capsules russes Soyouz. Les modules de service et d'habitation pourraient être développés à partir du laboratoire scientifique européen Columbus de la Station Spatiale Internationale (ISS), développé par l'Europe, et des véhicules automatiques de ravitaillement et de transfert vers l'ISS, comme l'ATV par exemple.
Premier vol en 2014 ?
Les premières spécifications font état d'un vaisseau spatial capable de transporter 4 passagers et leur équipement de mission.
Bien qu'aucune date ne puisse être fixée pour un premier lancement, ce vaisseau spatial pourrait voler dès 2014 si toutefois les Agences spatiales Russe et Européenne obtiennent les premiers financements pour démarrer les premières études exploratoires (préparatoires) de deux ans. L'Agence spatiale européenne va donc réclamer 30 millions d'euros à ses Etats membres ce 22 juin de façon à débuter ces études dès cette année. Ce n'est seulement qu'à l'issue de ces études qu'une décision sera prise, lors du Conseil de l'ESA au niveau ministériel de 2008, de pousser plus en avant ce projet en lançant la phase de développement.
Abandon de la participation dans Kliper
Notez que cette décision condamne de fait la participation de l'Europe au projet d'avion spatial Kliper. Ses états membres n'étaient guère intéressés par ce projet d'avion spatial et seuls 6 millions d'euros ont été débloqués sur les 30 réclamés pour participer à Kliper. De toutes façons, on voit mal comment l'ESA pourrait financer ces deux projets, bien que menés en collaboration avec la Russie.
Mais peut-être l'Europe choisit-elle là la voie de l'indépendance, celle de la sécurité. Une collaboration avec Klipper se serait traduite en un simple partenariat avec l'agence spatiale russe, or il ne faut pas perdre de vue que celle-ci s'avère financièrement incapable de produire de nouveaux Soyouz sans aide matérielle extérieure, requérant sans cesse l'aide des américains (transport d'équipages vers l'ISS). En élaborant son propre projet, l'Europe devient maître d'œuvre, ce qui lui accorde plus d'autonomie, mais surtout lui procure le grand objectif novateur et fédérateur dont elle a besoin pour ne pas perdre pied dans ce qui se dessine comme un des grands objectifs de l'Humanité du XXIe siècle.
Vols habités: l'Europe ne part pas de zéro
En matière de vol habité, l'Europe a acquis ces dernières années une certaine expérience. Bien que son projet d'avion spatial Hermes ait été abandonné en 1992, l'Europe ne part pas de zéro. Loin s'en faut. Depuis 1992, des études exploratoires ont continué d'être menées et certaines d'entre elles ont donné naissance à des projets concrets, comme par exemple le démonstrateur de rentrée atmosphérique ARD lancé en octobre 1998, ou la participation de l'Europe au programme de développement du X-38, un démonstrateur qui devait préfigurer le véhicule de secours des équipages (CRV) de l'ISS. Bien qu'abandonné en 2001 par la NASA, l'ESA était impliquée notamment dans la conception du nez du X-38. Mais surtout, la formidable descente de Huygens (voir notre
dossier) dans l'atmosphère de Titan et son atterrissage sur sa surface ont démontré les capacités de l'Europe à concevoir un bouclier thermique capable de s'affranchir des conditions propres à l'atmosphère de Titan.
Enfin, l'Europe est également à l'initiative de démonstrateurs comme Pre-X qui vise à la maîtrise de la rentrée atmosphérique planée (2004), ou encore Phoenix qui en 2004 a exploré les phases critiques du lancement et de l'atterrissage.