Les virus géants infectant les amibes, des organismes unicellulaires eucaryotes, peuvent être parasités par d'autres virus, les virophages, ainsi que des éléments génétiques mobiles appelés transpovirons et contenus dans les deux catégories de virus.
Dans une étude publiée dans
Nature Communications, des scientifiques ont décrypté les interactions au sein de ce système quadripartite complexe en analysant l'expression de leurs gènes respectifs.
Les virophages, des virus de virus...
Les virus sont souvent considérés comme les parasites ultimes. Pourtant, certains virus géants infectant des eucaryotes unicellulaires peuvent eux-mêmes être parasités par de plus petits virus, les virophages.
Ces derniers utilisent l'usine virale, un organite transitoire formé par le virus géant dans le cytoplasme de la cellule infectée, pour assurer leur propre réplication.
Ce phénomène constitue un cas d'hyperparasitisme, où un parasite est lui-même parasité. De plus, certains virus géants et virophages transportent dans leurs particules des molécules d'ADN sous forme d'épisomes appelées transpovirons. Ce système forme ainsi un réseau d'interactions complexes, mettant en jeu une cellule hôte, un virus géant, un virophage et un transpoviron.
Des expériences d'infection contrôlées pour comprendre les mécanismes sous-jacents
Comment s'effectue la régulation de l'expression génique de chaque partenaire au cours de l'infection, et comment cette régulation est-elle modifiée par la présence des autres ? Pour répondre à ces questions, les scientifiques ont mis en oeuvre une série d'expériences d'infection en introduisant successivement les différents acteurs.
Ils ont d'abord étudié l'infection de l'hôte amibien
Acanthamoeba castellanii par le virus géant megavirus chilensis. Ils ont ensuite procédé à des co-infections avec le virophage zamilon vitis, le transpoviron mvtv, et les deux en même temps. Le transcriptome, c'est-à-dire l'ensemble des ARN messagers, de chaque partenaire a été analysé par séquençage, permettant de suivre l'évolution de l'expression génique au cours du cycle infectieux.
Un fascinant théâtre de parasites imbriqués
Ces analyses, publiés dans la revue
Nature Communications, ont révélé que l'infection par le virus géant induit une profonde altération du transcriptome de la cellule hôte, affectant près de la moitié de ses gènes. Bien que la majorité soit réprimée, certains sont au contraire activés, permettant au virus de remodeler le métabolisme cellulaire pour favoriser sa propre réplication.
La co-infection par le virophage modifie significativement l'expression de plus d'un quart des gènes du virus géant, la plupart étant réprimés, suggérant que les deux virus entrent en compétition pour la machinerie de transcription. Cet effet est cependant transitoire, sans impact significatif sur la production finale de particules du virus géant.
Image en microscopie électronique d'une cellule d'Acanthameoba castellanii co-infectée par le virus géant megavirus chilensis et le virophage zamilon vitis.
Au centre de l'image, en gris foncé, on distingue l'usine virale, une structure présente dans le cytoplasme de la cellule où ont lieu la réplication virale et la production de nouvelles particules de virus géants (flèches noires) et de virophages (flèches blanches).
© Lionel Bertaux, Sandra Jeudy et Matthieu Legendre
Cette étude révèle également que la présence du virophage induit la surexpression de facteurs de transcription codés dans le génome du virus géant. C'est là qu'intervient le dernier partenaire, le transpoviron. Il exploiterait ces modifications pour surexprimer ses propres gènes.
Ce système quadripartite illustre la complexité des interactions entre virus, hôtes et éléments génétiques mobiles. L'amibe, hôte de ces virus, étant elle-même un pathogène opportuniste, nous sommes confrontés à un fascinant théâtre de parasites imbriqués.
Références:
Complex transcriptional regulations of a hyperparasitic quadripartite system in giant viruses infecting protists.
Bessenay A, Bisio H, Belmudes L, Couté Y, Bertaux L, Claverie JM, Abergel C, Jeudy S, Legendre M.
Nature Communications. 9 octobre 2024. DOI:
10.1038/s41467-024-52906-1.