Des chercheurs ont pu identifier cinq changements dans une souche du virus de la grippe aviaire qui peuvent le rendre transmissible entre furets par des gouttelettes respiratoires. Ce résultat souligne le risque qu'un virus de ce type puisse apparaître naturellement et provoquer une pandémie chez l'homme.
Ce travail devrait aussi aider les efforts faits pour mettre en place une biosurveillance globale de la grippe ainsi que des médicaments et des vaccins destinés à nous en protéger. La décision de publier ce travail dans son intégralité est en accord avec les recommandations du National Science Advisory Board for Biosecurity et de l'Organisation mondiale de la santé. Toutes les expériences ont été conduites dans de strictes conditions de biosécurité (BSL3+) qui ont été contrôlées par le Centre médical Erasmus des Pays-Bas, les National Institutes of Health et les Centers for Disease Prevention and Control américain.
Virus de la grippe.
Le nom H5N1 fait référence à deux sous-types d'antigènes présents à la surface du virus:
- l'hémagglutinine (HA) de type 5
- la neuraminidase (NA) de type 1
Illustration: M. Eickmann
Pour déterminer ce qui pourrait conférer la capacité à un virus de la grippe A/H1N1 d'être transmis par voie aérienne via des gouttelettes respiratoires ou "aérosols", Sander Herfst, Ron Fouchier et ses collègues ont commencé par modifier génétiquement le virus. Ils ont changé trois acides aminés qui pouvaient augmenter l'affinité du virus pour les mammifères. Ils ont infecté des furets, des animaux qui présentent des symptômes similaires à la grippe chez l'homme, en appliquant directement le virus dans la cavité nasale des animaux. Puis les chercheurs ont fait des prélèvements du virus dans le nez des furets infectés et s'en sont servi pour l'instiller à d'autres furets, faisant ainsi plusieurs "passages" pour voir comment il évoluait.
Au fur et à mesure de l'expérience, les chercheurs prenaient des échantillons de tissu des animaux et séquençaient les virus qui s'y trouvaient. Ils ont ainsi pu isoler des mutations qui étaient présentes au début de ce processus. De plus, d'autres mutations sont apparues en cours de ces passages qui semblaient conférer un avantage aux virus pour se répliquer dans le nez et la gorge et pour potentiellement se transmettre par voie aérienne.
Puis les chercheurs ont testé si les virus mutants "sélectionnés" pouvaient se propager par l'air à des furets sains. Ils ont placé côte à côte des paires de cages contenant les animaux infectés ou pas mais sans qu'ils puissent entrer en contact. La plupart des furets sains se sont retrouvés infectés par le virus. Les animaux ont ensuite guéri et les virus mutants se sont avérés mortels uniquement lorsqu'ils étaient introduits directement dans la gorge des animaux à de très fortes doses.
Les chercheurs ont fait la séquence des virus infectieux par voie aérienne et trouvé cinq mutations responsables de ce mode de transmission: les trois faites initialement et deux sélectionnées au cours du passage. Quatre de ces modifications portaient sur l'hémagglutinine, une protéine de la surface virale qui l'aide à entrer dans les cellules. La cinquième était dans la polymérase 2, une protéine qui aide le virus à répliquer son génome. Ces mutations ont toutes été retrouvées individuellement ou partiellement associées dans les virus naturels. On a longtemps pensé que pour déclencher une pandémie, les virus de la grippe devaient d'abord mélanger leurs génomes dans un hôte animal. Dans les expériences de Herfst toutefois, un tel "réassortiment" n'a pas été nécessaire pour que le virus change ses caractéristiques de propagation.
L'étude précise que les médicaments et vaccins actuels sont efficaces contre le virus 1/H1N1 chez le furet et que cela peut aussi être le cas chez l'homme même si cela reste à vérifier. Dans les expériences in vitro, les souches modifiées du virus répondaient à l'antiviral oseltamivir et aux anticorps issus de furets ayant reçu des vaccins candidats contre le H1N1.