Isabelle - Jeudi 21 Avril 2011

Le virage vert est rentable pour les entreprises

On croit généralement que la prise en compte de préoccupations environnementales par une entreprise est couteuse et non rentable. Cette idée serait complètement erronée, selon une analyse de cas réalisée par Sylvain Plouffe et Paul Lanoie, professeurs respectivement à l'École de design industriel de l'Université de Montréal et à HEC Montréal. L'analyse montre que, la plupart du temps, le virage vert est plus payant que le procédé traditionnel de fabrication.

"Plusieurs entreprises craignent que les normes écologiques soient couteuses, alors que les promoteurs de l'approche écologique prétendent de leur côté qu'il y a de nombreux avantages pour les entreprises à choisir cette voie. C'est ce que nous avons voulu tirer au clair", précise Sylvain Plouffe, qui est également directeur adjoint du Centre interuniversitaire de recherche sur le cycle de vie des produits, procédés et services, le CIRAIG.


Les chercheurs ont examiné les données fournies par 15 sociétés québécoises et 15 sociétés françaises qui ont adopté l'écoconception pour au moins un bien de consommation afin de répondre aux normes environnementales ISO (14000). L'écoconception ou écodesign vise à réduire l'empreinte environnementale à l'une ou l'autre des étapes du cycle de vie d'un produit ou d'un service. Ces étapes vont de l'extraction des matières premières jusqu'au recyclage du produit en passant par sa fabrication, son entreposage, son transport et son utilisation.

Des études toutes récentes viennent de dévoiler que beaucoup d'étiquettes annonçant un produit plus écologique, plus vert, plus naturel ou plus durable induisent carrément le consommateur en erreur, mais l'équipe de Sylvain Plouffe s'est assurée de ne retenir que des entreprises capables de fournir des données sur les mesures environnementales prises et sur l'avant et l'après de la mise en marché du produit concerné.

Parmi les compagnies québécoises figurent Cascades, les Biscuits Leclerc, Liberté, les Produits sanitaires Lépine, BainUltra (baignoires thérapeutiques), le Réseau-Bureautique (recyclage de mobilier de bureau), Myco Anna (vêtements faits de tissus recyclés) et le Zoo de Granby (voir l'encadré plus bas).


Sylvain Plouffe
Augmentation des bénéfices

Selon les données analysées, 24 des 30 compagnies ont rapporté une augmentation des profits pour le produit écoconçu et 3 ont enregistré des profits égaux à ceux d'avant le virage vert. Aucune n'a déclaré de pertes de profits.

L'accroissement des bénéfices provient, dans 17 cas, d'une réduction récurrente des couts de production, réduction liée la plupart du temps à l'approvisionnement en matières premières. Dans 6 autres cas, les profits majorés l'ont été grâce à une économie d'énergie lors de la production.


Pour ce qui est des couts fixes, 20 entreprises ont dû investir dans la recherche pour concevoir un produit répondant aux normes de l'écoconception. Par exemple, un fabricant de tapis a été contraint de débourser 100 000 $ pour adapter ses équipements aux fibres naturelles sans que la machinerie s'enraye. Dans de tels cas, les dépenses supplémentaires ont été couvertes par une hausse des revenus.

Cette augmentation de revenus ne repose pas nécessairement sur un prix de vente plus élevé. En effet, seulement 12 compagnies ont dû majorer leurs prix alors que 6 les ont maintenus au même niveau et que 8 ont même pu les abaisser. Toutes les entreprises qui ont déclaré un accroissement de leurs revenus ont vu leurs ventes augmenter et ce serait là la principale source de gains.

"Ces résultats nous ont étonnés, affirme Sylvain Plouffe. Tout indique que l'écoconception est très profitable pour l'entreprise parce qu'il y a une conscientisation du public à l'égard de la protection de l'environnement et que le consommateur recherche ces produits."

Plus profitable en France


La hausse des profits associée à l'écoconception s'est avérée plus grande en France qu'au Québec. "C'est sans doute parce que les entreprises françaises prennent en considération plus d'étapes dans la vie du produit que les entreprises québécoises, avance le professeur Plouffe. Cette préoccupation est liée au cout de l'énergie, qui est plus élevé en France qu'ici."

C'est effectivement ce qui ressort des données. Toutes les sociétés françaises sont intervenues dans au moins deux des six principales étapes du cycle de vie et neuf ont pris des mesures touchant au moins quatre de ces étapes. Au Québec, seulement quatre compagnies sont intervenues dans quatre étapes ou plus et sept n'ont pris en compte qu'une seule phase du cycle, la plus fréquemment mentionnée étant le recyclage en fin de vie.


Il en découle que, des 11 entreprises affichant la plus grande marge de profit, 8 sont françaises. "Nul doute qu'il y a place à l'amélioration pour les entreprises du Québec", conclut Sylvain Plouffe.

Ont également participé à ces travaux Corine Bereman, de l'École supérieure de commerce de Saint-Étienne, et Marie-France Vernier, de l'Université catholique de Lyon. L'analyse est publiée dans le dernier numéro du Journal of Cleaner Production.
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