La construction d'un vaisseau spatial est une tâche difficile. Certaines pièces de précision doivent survivre dans l'environnement rigoureux de l'espace, où les températures peuvent passer de plusieurs centaines de degrés Celsius à des centaines de degrés en dessous de zéro en très peu de temps. Une fois qu'un vaisseau spatial est en orbite, les ingénieurs n'ont pratiquement aucune chance de réparer ce qui tombe en panne. Mais que se passerait-il si un vaisseau spatial était capable de se réparer lui-même ?
Grâce à une nouvelle étude financée par le Programme des Etudes Générales de l'ESA, et conduite par le service d'ingénierie aérospatiale de l'Université de Bristol au Royaume-Uni, les ingénieurs avancent dans cette direction. Et ils se sont inspirés pour cela de la nature.
"Quand nous nous coupons, nous n'avons pas besoin de colle pour fermer la plaie, puisqu'il existe un mécanisme d'auto-cicatrisation. Notre sang coagule pour former un joint protecteur afin que la nouvelle peau se forme par-dessous", remarque le Dr. Christopher Semprimoschnig, spécialiste des matériaux à l'ESTEC (European Space Technology Research Centre) au Pays Bas, qui a conduit l'étude.
Selon lui, les usures ou les déchirures endurées par un vaisseau spatial sont similaires à ces petites coupures. Les variations extrêmes de température ou les impacts de micros météorites peuvent provoquer de petites fissures dans sa superstructure. Pendant tout le déroulement d'une mission, les fissures s'accumulent, et elles affaiblissent le vaisseau jusqu'à ce qu'une panne catastrophique devienne inévitable.
Des fibres creuses de 30 microns de diamètre parcourent le matériau.
Lorsque des dommages se produisent, les fibres cassent et libèrent
des fluides qui s'infiltrent dans les fissures puis durcissent.
Le défi était de reproduire le procédé humain de cicatrisation avant que les fissures ne deviennent trop importantes. Semprimoschnig et son équipe ont réalisé cela en substituant quelques unes des fibres d'une résine composite, semblable à celle utilisée dans la technologie spatiale, par des fibres creuses contenant une matière adhésive. Etonnamment, les fibres creuses ont dû être élaborées dans une substance fragile: le verre. "Lorsque les dommages se produisent, les fibres doivent pouvoir se casser facilement afin de libérer les liquides réparateurs dans les fissures", explique Semprimoschnig.
Chez l'homme, l'air réagit chimiquement avec le sang, ce qui permet sa coagulation. Dans l'espace, les "veines" mécaniques doivent être remplies de résine liquide et d'un durcisseur spécial qui se mélangent quand les fibres se brisent. Les deux doivent être suffisamment liquides pour remplir les fissures rapidement et pour durcir avant de se vaporiser.
"Nous avons accompli un premier pas mais il reste au moins une décennie de travail avant que cette technologie ne soit réellement appliquée sur un vaisseau spatial", ajoute Semprimoschnig, qui pense que des essais à grande échelle sont désormais nécessaires.
Les avantages de la technologie sont multiples. Un vaisseau spatial capable de cicatriser autoriserait des missions de plus longues durées. Doubler la durée de vie d'un vaisseau spatial d'une part diviserait en gros par deux le coût des missions orbitales et d'autre part permettrait d'envisager plus sereinement des missions dans le Système Solaire lointain, jugées actuellement trop risquées.