Nous vous avons parlé lors de précédents articles (
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Tremblement de Terre au Japon: les causes géologiques) du séisme et du tsunami qui ont frappé le Japon vendredi dernier. Bien que nous ne sachions pas encore si ces catastrophes ont fait plusieurs milliers ou plusieurs dizaines de milliers de victimes, il est un autre évènement qui prend le dessus à la Une des médias du monde. Il s'agit bien des explosions qui ont lieu à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi: moins de morts, mais grosse inquiétude.
Deux centrales nucléaires, 10 réacteurs en tout
Fukushima, c'est deux centrales distantes de 12 kilomètres l'une de l'autre. Fukushima Daiichi est la plus ancienne des deux et exploite 6 réacteurs mis en service entre 1970 et 1979. C'est cette centrale qui connaît actuellement les pires difficultés. L'autre centrale, Fukushima Daini a été progressivement mise en service dans les années 80 et exploite habituellement quatre réacteurs. Bien qu'elle ne fasse pas la Une de l'actualité, elle connaît elle aussi des difficultés.
Fonctionnement
Les centrales nucléaires sont comme de grosses machines à vapeur, mais la source de chaleur est un réacteur nucléaire. Le réacteur fonctionne grâce à la fission de matières premières radioactives. La réaction en chaine contrôlée de la fission produit une forte chaleur qui chauffe de l'eau.
Fukushima Daiichi exploite des réacteurs de type REB (à eau bouillante). L'eau en contact avec le réacteur est elle-même radioactive et doit rester en circuit fermé, il est couramment appelé circuit primaire. Cette eau chaude est condensée par un circuit secondaire d'eau fraiche et non radioactive, ce qui fait tourner une turbine et un générateur produisant de l'électricité.
Les niveaux de risques nucléaires
Il n'y a pas de réelle définition du mot catastrophe qui est un terme du langage courant. Dans le domaine du nucléaire, une échelle de niveaux d'évènements (INES) est définie, indiquant l'écart par rapport au fonctionnement normal. Les trois premiers (les niveaux 0, 1 et 2) sont sans conséquences sur l'environnement. Les niveaux suivants se distinguent par rapport à la pollution générée.
Comme vous le savez certainement déjà tant l'information a été diffusée, la catastrophe de Tchernobyl est un évènement de niveau 7, celui de Three Mile Island (USA) de niveau 5. La situation à Fukushima Daiichi se situerait actuellement sur un niveau 6, c'est-à-dire avec des rejets importants de matières radioactives.
La fusion d'un réacteur nucléaire (réacteur 2)
La fusion d'un réacteur nucléaire n'a rien à voir avec la fusion nucléaire. Il s'agit simplement d'une fonte des combustibles du réacteur nucléaire qui sont normalement à l'état solide. Rendus à l'état liquide, les éléments constitutifs du réacteur peuvent entrer dans une réaction non contrôlée et aboutir à une explosion comme ce fut le cas à Tchernobyl en 1986. Pour le moment, aucun des réacteurs des centrales de Fukushima n'a véritablement explosé.
Cependant, au moins une partie des quatre réacteurs de la centrale de Fukushima Daiichi est entrée en fusion. Des détonations ont été entendues du côté du réacteur 2 sans que l'on connaisse exactement ce qui s'est passé.
La ou les explosions des réacteurs 1 et 3, état du réacteur 4
Certes, pas d'explosion de réacteur à proprement parler, mais des explosions ont tout de même eu lieu. Ce sont les enveloppes qui ont explosé. Si les sécurités concernant les réacteurs en eux même ont bien fonctionné lors du tremblement de Terre, il n'en a pas été de même pour les circuits de refroidissement. Or, même une fois arrêtés, les réacteurs ont besoin d'être refroidis pour éviter des surchauffes.
Si la centrale a résisté au tremblement de terre lui même, le tsunami qui a suivi a très fortement endommagé les circuits de refroidissement. La température dans les différents circuits s'est mise à monter ainsi que la pression. Que s'est il passé ensuite ? Nous ne pouvons que formuler des hypothèses...
Des explosions d'hydrogène ont eu lieu, l'émission de molécules de dihydrogène peut être causée de deux manières. Portée à haute température (2000°C), l'eau se décompose de la manière suivante: 2 H2O -> 2 H2 + O2, la vapeur d'eau devient alors un mélange explosif de dioxygène et de dihydrogène. La production de dihydrogène peut également venir de la réaction entre le zirconium qui gaine le combustible nucléaire et l'eau du système de refroidissement. Au delà d'une certaine température le zirconium s'oxyde au contact de la vapeur d'eau avec production de dihydrogène: Zr + 2H2O –> ZrO2 + 2H2. Dans tous les cas, le cœur du réacteur est enfermé dans une enveloppe bien plus solide que l'enveloppe externe, c'est ce qui fait que le réacteur à moins souffert que les enveloppes extérieures. C'est aussi le cas pour le réacteur 3, mais il a tout de même été endommagé.
Pour le réacteur 4, ce dernier était inactif mais pas complètement stoppé, l'arrêt complet d'un réacteur est une opération qui dure plusieurs mois. De ce fait son combustible a besoin d'être refroidi même hors circuit, comme pour les réacteurs actifs. Un incendie s'est déclaré et après avoir été contenu quelques jours, l'incendie a fini par ravager l'ensemble de l'enveloppe extérieure et l'eau de la piscine de refroidissement placée en surplomb du réacteur s'est complètement vidée.
Radioactivité
Lors des explosions, les circuits primaires semblent avoir été touchés et de l'eau radioactive s'est très certainement échappée. La baisse de radioactivité constatée quelque temps après l'explosion est probablement due à la dispersion des vapeurs dans l'atmosphère. Il est encore délicat de savoir avec précision quels éléments ont été émis et comment la radioactivité va évoluer ces prochains jours.