Adrien - Vendredi 12 Septembre 2025

🕵️‍♂️ Témoignage médiéval: le Suaire de Turin, montrant le Christ, serait une fraude

Le Suaire de Turin, cette pièce de lin longue de 4 mètres qui porterait l'empreinte du corps du Christ, continue de diviser les esprits depuis des siècles. Une découverte récente jette un nouvel éclairage sur son histoire mouvementée, remettant en cause son authenticité à travers des témoignages médiévaux inédits.

Une équipe de chercheurs a mis au jour un document ancien rédigé par Nicole Oresme, un théologien normand du XIVe siècle très respecté en son temps. Ce texte, analysé dans une étude publiée dans le Journal of Medieval History, constitue l'une des plus anciennes réfutations écrites connues du linceul. Oresme, qui deviendra plus tard évêque de Lisieux, y qualifie le Suaire de fraude évidente orchestrée par des membres du clergé pour soutirer des offrandes aux fidèles.


Représentation du visage imprimé sur le Suaire de Turin
Crédit: Dianelos Georgoudis/Taylor & Francis


Les travaux de Nicolas Sarzeaud, historien à l'Université Catholique de Louvain, révèlent que cette critique émane d'une figure intellectuelle majeure de l'époque, connue pour sa rigueur scientifique. Oresme appliquait une méthode rationnelle pour évaluer les phénomènes surnaturels, classant les témoignages selon leur fiabilité et se méfiant des rumeurs. Son rejet du Suaire s'inscrit dans une démarche plus large de dénonciation des supercheries religieuses.

Cette découverte s'ajoute à d'autres preuves accumulées au fil du temps. La datation au carbone 14 réalisée précédemment indique que le lin date du XIIIe ou XIVe siècle, bien après l'époque du Christ. Une étude récente parue dans Archaeometry utilisant l'analyse 3D suggère que l'image aurait été créée en enveloppant le tissu autour d'une statue, et non d'un corps humain.

Le parcours historique du Suaire est lui-même révélateur. Exposé initialement à Lirey en Champagne, il fut interdit par l'évêque de Troyes vers 1355 après enquête, puis caché pendant des décennies. Le pape Clément VII autorisa sa réexposition à condition qu'il soit présenté comme une simple représentation, et non comme une relique authentique. Malgré cela, sa notoriété n'a cessé de croître à travers les siècles.

Pour Andrea Nicolotti, professeur à l'Université de Turin, cette nouvelle preuve historique confirme ce que la science moderne tend à démontrer. Le Suaire représente un cas exceptionnel de fraude médiévale bien documentée, où l'Église elle-même a pris position contre son authenticité.

La datation au carbone 14


La datation au carbone 14 est une méthode scientifique qui permet de déterminer l'âge d'un objet contenant du carbone, comme le lin du Suaire de Turin. Elle repose sur la mesure de la désintégration radioactive du carbone 14, un isotope présent dans les matériaux organiques.


Lorsqu'un organisme meurt, il cesse d'absorber du carbone 14, et celui-ci se désintègre à un rythme constant. En mesurant la quantité restante, les scientifiques peuvent estimer depuis combien de temps la mort est survenue. Pour le Suaire, des échantillons ont été prélevés et analysés par plusieurs laboratoires indépendants.

Les résultats ont convergé vers une datation entre 1260 et 1390 après J.-C., ce qui correspond à la période médiévale. Cette fourchette exclut que le tissu ait pu être utilisé pour envelopper le corps du Jésus historique, qui a vécu au Ier siècle. La méthode est largement utilisée en archéologie et a été affinée pour minimiser les risques de contamination.

Bien que certains aient contesté ces résultats en évoquant une possible pollution des échantillons, la majorité de la communauté scientifique les considère comme fiables. Ils s'accordent avec d'autres indices, comme les documents historiques récemment découverts, pour situer l'origine du Suaire au Moyen Âge.

Les reliques dans le christianisme médiéval


Les reliques sont des objets ou des restes corporels associés à des saints ou à des figures religieuses, vénérés pour leur pouvoir spirituel. Au Moyen Âge, elles jouaient un rôle central dans la dévotion chrétienne, attirant des pèlerins et générant des revenus pour les églises.

La demande croissante pour ces objets sacrés a conduit à la production de nombreuses fausses reliques, souvent créées pour des motifs économiques ou politiques. Le clergé lui-même était parfois impliqué dans ces fraudes, comme le suggère le cas du Suaire de Turin, utilisé pour stimuler les offrandes des fidèles.

L'Église a progressivement mis en place des procédures pour authentifier les reliques, mais les contrôles variaient considérablement selon les époques et les régions. Des papes et des évêques ont occasionnellement dénoncé les abus, comme en témoigne l'interdiction du Suaire par l'évêque de Troyes au XIVe siècle.

Aujourd'hui, l'étude des reliques médiévales offre un aperçu des pratiques religieuses et des dynamiques sociales de l'époque. Elle révèle comment la foi, la crédulité et la critique rationnelle coexistaient, avec des figures comme Nicole Oresme qui appliquaient déjà une pensée sceptique face aux miracles présumés.
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