Isabelle - Lundi 26 Mai 2014

Taï-chi: faire du vieux avec du neuf

Une recherche montre comment le taï-chi a été revu et corrigé pour répondre aux attentes des Nord-Américains

Métro-boulot-dodo représente bien le quotidien de salariés dont le train de vie laisse peu de temps pour souffler. Pour s'évader de ce quotidien effréné, pour apprendre à méditer ou pour relaxer, il est populaire de s'adonner à une activité zen telle que le taï-chi. Dominic LaRochelle, chargé de cours à la Faculté de théologie et des sciences religieuses, a toutefois remarqué que le taï-chi enseigné aux Nord-Américains a été épuré de ses dimensions art martial et religion.

C'est en analysant une trentaine de livres sur le taï-chi parus en Amérique du Nord entre 1960 et les années 2000 que le chercheur a observé cette tendance. "La spiritualité qu'on trouve dans le taï-chi occidental s'éloigne de la spiritualité, de la sagesse et de la religiosité chinoise qui caractérise cette pratique", explique le chercheur, qui a publié ses conclusions dans la revue Nova Religio: The Journal of Alternative and Emergent Religions.

Le taï-chi s'appuie sur les traditions religieuses taoïstes qui supposent que l'univers est ordonné et que les rituels servent à maintenir cet ordre, élément que les livres analysés par Dominic LaRochelle abordent rarement. "Afin que la pratique soit adoptée ici, les auteurs ont seulement gardé les aspects qui paraissaient acceptables à leurs lecteurs nord-américains. Dans le discours spirituel contemporain typique, la religion est synonyme d'abus, d'autorité, d'obéissance aveugle et de mensonge. On s'est donc débarrassé de tout ce qui rappelle une dimension plus religieuse du taoïsme. Les croyances aux divinités, les rituels, les prières et les exorcismes ont été laissés de côté", précise-t-il.

Apparu au 16e siècle, le taï-chi était à l'origine un art de combat dénué de spiritualité. Ce n'est qu'à la fin du 19e siècle qu'une relation entre le taï-chi et le taoïsme s'est construite. Or les auteurs occidentaux mentionnent très rarement, voire jamais, qu'il s'agit à la base d'un art martial.

Afin que le taï-chi ait du sens aux yeux des Nord-Américains, les auteurs ont eu recours à trois stratégies. D'abord, ils ont utilisé un discours qui situe les traditions spirituelles religieuses et le mysticisme chinois comme des précurseurs des sciences modernes. Ensuite, ils ont inscrit le taï-chi dans un mouvement de contre-culture. "On l'utilise pour critiquer le mode de vie occidental", précise le chargé de cours. Finalement, les auteurs ont mis de l'avant une vision holistique du monde stipulant que le taï-chi permet d'harmoniser son énergie à celle de l'Univers et de réaliser que tout est connecté à tout.

D'autres arts martiaux auraient subi des changements similaires au taï-chi en s'intégrant à la culture occidentale. "Les traditions évoluent constamment et il s'agit d'un processus normal. Lorsqu'une pratique est intégrée dans une nouvelle aire géographique, elle se teinte de sa culture pour mieux s'y adapter", conclut Dominic LaRochelle.
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