Adrien - Vendredi 10 Avril 2015

Suivi d'un cyclone à partir du signal microsismique

Dans le cadre du projet franco-allemand d'imagerie sismologique du point chaud de La Réunion (projet RHUM-RUM), 57 sismomètres large bande de fond de mer (OBS) du parc INSU et du parc allemand DEPAS ont été déployés avec le navire océanographique français Marion Dufresne en octobre et novembre 2012 dans une zone de 2000 x 2000 km centrée sur l'île de La Réunion, puis récupérés en novembre et décembre 2013 par le navire allemand Meteor. Durant cette période, le Sud-Ouest de l'Océan Indien a été touché par 7 cyclones tropicaux, parmi lesquels le cyclone Dumile qui est passé au-dessus du réseau d'OBS, offrant l'opportunité d'étudier sa signature sismologique sur le plancher océanique. L'enregistrement en fond de mer du "bruit" microsismique généré par le passage de Dumile a en effet permis pour la première fois d'effectuer un suivi spatio-temporel in situ de l'enregistrement d'une telle source en fond de mer. Cette étude menée à bien par une équipe de l'Institut de Physique du Globe de Paris (CNRS, Paris Diderot), de l'Université de La Réunion et de l'Université d'Oxford a été publiée dans la revue Geophysical Research Letters.


© Davy et al. JGR 2015Carte du réseau d'OBS déployé dans le cadre du projet RHUM-RUM avec la trajectoire du cyclone Dumile et l'image satellite (crédit Météo-France) prise le 3 janvier 2013 lorsque le cyclone frôlait la Réunion, au maximum de sa puissance.
Origine du bruit microsismique associé aux cyclones


Le bruit microsismique associé aux fortes tempêtes provient de l'interaction entre des vagues de même période qui se déplacent dans des directions opposées. Ce type d'interaction est possible au sein d'un cyclone qui se déplace et où les vents puissants de surface changent fréquemment de directions. Une variation de pression peut alors se developer dans l'océan proche de la surface et se transmettre à travers toute la colonne d'eau jusqu'au plancher océanique (de 3 à 5 km de profondeur) où elle donne naissance aux microséismes secondaires, dénommés ainsi car ils ont une fréquence double de celles des vagues en surface.

Nature des microséismes induits par le cyclone Dumile


La mesure de l'amplitude et de la polarisation du signal microsismique généré par le cyclone Dumile met en évidence des ondes de surface (de type Rayleigh) qui peuvent être détectées lorsque le cyclone arrive à une distance inférieure à 1300 km d'une station. Lorsque le cyclone s'approche, n'est plus qu'à quelques centaines de km puis passe au dessus d'un OBS, la polarisation dominante devient alors progressivement très étirée et proche de la verticale, traduisant la présence d'ondes de compression transmises depuis la surface directement au plancher océanique à travers la colonne d'eau.

L'enregistrement continu du bruit microsismique à travers le réseau d'OBS a mis en évidence une signature claire du passage du cyclone Dumile et montre que l'amplitude du bruit sismique dépend à la fois de la distance au cyclone et de son intensité. Les variations d'amplitude du bruit enregistrées par les stations situées dans un périmètre de 250 km de rayon de l'oeil du cyclone suivent toutes une même loi reliant la distance au cyclone et l'amplitude du bruit microsismique.


© Davy et al. JGR 2015Schéma de la formation des microséismes secondaires dans un bassin océanique, par l'interaction de deux trains de houles se propageant dans des directions opposées.
Suivi spatio-temporel d'un cyclone depuis le fond des océans


L'analyse continue du bruit microsismique à travers le réseau d'OBS durant le passage du cyclone Dumile en janvier 2013 permet de suivre dans le temps et dans l'espace l'amplitude des pics microsismiques sur le plancher océanique. Un suivi du maximum d'amplitude du signal microsismique permet ainsi de localiser la source la plus forte à proximité de la position de l'oeil du cyclone, défini par Météo France.

Cette étude effectuée a posteriori démontre que le signal microsismique mesuré in situ au fond des océans peut être considéré comme une nouvelle source d'information pour détecter, suivre et quantifier les cyclones tropicaux, mais également les tempêtes à plus haute latitudes. Lorsque les données sismologiques enregistrées par des stations de fond de mer pourront être analysées en temps réel, elles pourront alors compléter les observations atmosphériques, océanographiques et satellitaires.
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