L'équipe de Valérie Quesniaux au laboratoire d'Immunologie et neurogénétique expérimentales et moléculaires d'Orléans montre que le récepteur de l'interleukine 33, ST2, est nécessaire au développement du neuropaludisme expérimental. Cette étude qui identifie une nouvelle cible thérapeutique de la malaria cérébrale est parue dans la revue
European Journal of Immunology.
Le neuropaludisme est une des plus sérieuses complications de l'infection à Plasmodium falciparum et une cause de mortalité fréquente chez les enfants et les jeunes adultes infectés. Il est caractérisé par la séquestration de globules rouges parasités et de leukocytes au sein des micro-vaisseaux cérébraux. Une meilleure compréhension de la pathogenèse devrait contribuer à développer des interventions thérapeutiques pour cette complication neurologique souvent fatale, ou suivie de séquelles importantes.
L'Interleukine 33 (IL-33) est très fortement exprimée dans le cerveau par les cellules endothéliales et les astrocytes notamment, mais son rôle au niveau cérébral est peu connu. Décrite initialement comme une cytokine favorisant la réponse immune adaptative de type Th2, l'IL-33 a été impliquée plus récemment dans diverses réponses de type Th1 dont des infections virales. L'IL-33 se lie et signale par le récepteur ST2.
Figure: Schéma représentant les principales cellules, cytokines, récepteurs et molécules d'adhésion impliquées dans le développement de la malaria cérébrale expérimentale suite à l'infection par Plasmodium bergei ANKA.
© Flora Reverchon et Jennifer Palomo, INEM
Vignette: Illustration de l'endommagement de la barrière hématoencéphalique (BHE) suite à l'infection par Plasmodium bergei ANKA. Le bleu Evans infusé par voie sanguine est normalement exclu du cerveau chez les souris non-infectées (NI). Il pénètre le cerveau des souris sauvages infectées par des sporozoïtes (PbA) dont la BHE est endommagée au jour 9 (Contrôle PbA), mais pas celui des souris déficientes en récepteur ST2, résistantes à la malaria cérébrale (ST2-/- PbA).
Les chercheurs du laboratoire d'Immunologie et neurogénétique expérimentales et moléculaires ont étudié l'implication de la voie IL-33/ST2 dans le développement de la malaria cérébrale expérimentale chez la souris. Ils montrent que l'expression d'IL-33 est augmentée dans le cerveau affecté de malaria cérébrale et que la maladie ne se développe pas en absence du récepteur à l'IL-33, ST2. Les souris sauvages B6 succombent à la malaria cérébrale en une dizaine de jours, avec une rupture de la barrière hémato-encéphalique, une obstruction et des hémorragies au niveau des micro-vaisseaux. En revanche, les souris déficientes en ST2 survivent à l'infection par les sporozoites de Plasmodium berghei ANKA (PbA) sans signe neurologique et une microcirculation cérébrale préservée. Cette protection est accompagnée d'une expression réduite des molécules d'adhésion ICAM-1, des récepteurs CXCR3 responsables du recrutement des lymphocytes T et de la lymphotoxine LT-? au niveau cérébral, et enfin d'une diminution de la séquestration des lymphocytes T CD4+ activés et CD8+ perforine+. L'IL-33 est donc induite lors de l'infection par PbA, et la voie IL-33/ST2 induit l'expression cérébrale de LT-? et ICAM-1, clés pour le recrutement des cellules T pathogéniques, conduisant à la pathologie microvasculaire et à la malaria cérébrale.
Cette étude ajoute une nouvelle dimension à la compréhension des mécanismes moléculaires impliqués dans la physiopathologie du neuropaludisme expérimental en identifiant le rôle clé de la voie IL-33/ST2 qui représente désormais une nouvelle cible thérapeutique et incite à étudier plus avant le rôle de l'IL-33 dans les fonctions cérébrales et cognitives.
Ce travail a été réalisé en collaboration avec le service de Parasitologie-Mycologie de la Pitié-Salpétrière, Paris, et entre dans le cadre du Laboratoire International Associé N°236 avec l'Université de Cap Town, Afrique du Sud (2007-2014).