Les singes rhésus possèdent une aptitude naturelle à faire le lien entre le nombre de voix qu'ils entendent et le nombre d'individus qu'ils s'attendent à voir parler. C'est la conclusion d'une nouvelle étude dont les résultats indiquent que la représentation abstraite des nombres est possible en l'absence de langage.
Dans un article du 7 juin, Elizabeth Brannon de l'Université Duke à Durham et ses collègues décrivent leur expérience. Les chercheurs ont fait entendre aux singes des "roucoulades" émises par deux ou trois espèces d'animaux peu familières. Ils ont ensuite montré aux singes des images sur lesquelles figuraient deux ou trois animaux. La majorité des singes testés ont choisi les images qui correspondaient au nombre d'individus entendus sur les échantillons audio. Chaque singe n'a été testé qu'une fois et n'a pas obtenu de récompense. Ceci permettant aux chercheurs d'observer le comportement spontané de l'animal, par opposition à des compétences acquises par apprentissage.
Brannon note qu'à l'état sauvage, un singe pouvait souvent entendre les cris de divers animaux sans jamais les voir. "Dans un conflit territorial, on peut imaginer qu'un animal a besoin de savoir combien d'animaux sont sur le point d'envahir son territoire".
"Les résultats que nous avons obtenus fournissent la preuve que les singes détectent spontanément une correspondance en nombre entre deux modalités sensorielles différentes, et cela nous indique que le langage n'est pas nécessaire pour une représentation abstraite du nombre", commente Brannon. "Quand nous, humains, nous appliquons le mot 'trois' à des bruits ou à des images visuelles, nous nous servons du langage pour lier ces ensembles différents à différentes modalités. Et la question était de savoir si un animal qui ne possède pas cette représentation basée sur le langage pouvait effectuer ces liens".
Si les singes peuvent contrôler de telles représentations croisées des nombres, il est alors probable que ces capacités étaient présentes chez le dernier ancêtre commun aux humains et aux singes. Des études futures essaieront de déterminer si les êtres humains possédaient cette aptitude avant d'avoir acquis le langage.