Des chercheurs français du Centre de résonance magnétique biologique et médicale (CRMBM, CNRS/Aix Marseille Université/Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille) ont mis en évidence, en collaboration avec le CHU de La Timone à Marseille, le CEMEREM
(1) et une équipe allemande (Mannheim), une accumulation anormale de sodium dans le cerveau de patients atteints de sclérose en plaques pouvant refléter la dégénérescence des cellules nerveuses. Cette étude a été réalisée in vivo grâce à une méthode originale d'imagerie par résonance magnétique (IRM) permettant de cartographier la distribution en sodium dans le cerveau humain
(2). Elle est publiée en ligne le 18 juillet 2012 dans le journal
Radiology.
Chez les patients atteints de sclérose en plaques (SEP), le système immunitaire du corps s'attaque à la gaine protectrice (appelée myéline) qui entoure les axones des neurones dans le cerveau et la moelle épinière. L'atteinte de l'intégrité de cette gaine affecte la capacité de ces neurones à transmettre l'information nerveuse, ce qui provoque des troubles neurologiques et physiques pouvant être réversibles en fonction de la réparation partielle ou totale survenant après la période d'inflammation. Cependant l'atteinte neuro-axonale est difficile à évaluer alors même qu'elle est associée au déficit clinique irréversible observé lors des stades plus avancés de la maladie. Le type et la gravité des symptômes observés dans la SEP, ainsi que la progression de la maladie, varient également d'un patient à l'autre.
Exemple d'IRM cérébrale du sodium (La flèche montre une accumulation de sodium dans une zone démyélinisée)
© CRMBM
"Un défi majeur dans la sclérose en plaques est d'obtenir des marqueurs pronostiques de la progression de la maladie", souligne Patrick Cozzone, professeur de biophysique à la Faculté de Médecine de Marseille (Aix Marseille Université), et directeur émérite du Centre de résonance magnétique biologique et médicale (CRMBM, CNRS/AMU/AP-HM). "Nous avons collaboré pendant deux ans avec des chimistes, des physiciens et des cliniciens pour développer des techniques d'IRM du sodium (23Na) et pouvoir les appliquer à l'exploration de patients atteints de SEP", a déclaré l'auteur principal Wafaa Zaaraoui, chargée de recherche au CNRS. Cette technique d'imagerie permet aujourd'hui d'accéder aux concentrations cérébrales de sodium, un agent majeur du fonctionnement cellulaire. Le sodium joue en effet un rôle primordial dans les processus de dégénérescence de l'axone, qui constitue la fibre nerveuse du neurone. D'où l'idée pour les scientifiques de s'intéresser à cet atome.
L'équipe de Jean-Philippe Ranjeva, professeur de neurosciences au CRMBM, en collaboration avec les équipes du professeur Lothar Schad, physicien à Mannheim (Heidelberg University, Allemagne) et du professeur Jean Pelletier
(3), neurologue (APHM, CHU Timone, Marseille), a réalisé des explorations par IRM du sodium pour étudier la forme la plus commune de sclérose en plaques (poussée-rémission) dans laquelle des déficits cliniques clairement définis sont suivis par des périodes de récupération. Ce travail a été effectué sur un imageur équipant le CEMEREM (CNRS/AMU/AP-HM, CHU Timone, Marseille)
Cartes statistiques montrant les accumulations intracérébrales de sodium (zones orange) chez des patients au stade avancé de la SEP au sein (zones bleues) et en dehors des plaques de démyélinisation.
© CRMBM
Chez les patients atteint d'une SEP à un stade précoce, l'IRM du sodium a révélé des concentrations anormalement élevées de sodium dans quelques régions cérébrales spécifiques, comprenant le tronc cérébral, le cervelet et le pôle temporal. Chez les patients à un stade plus avancé, l'accumulation anormalement élevée de sodium était présente de manière diffuse sur l'ensemble du cerveau, y compris dans les régions cérébrales non démyélinisées. "Les concentrations de sodium dans la substance grise des zones fonctionnelles motrices sont ainsi corrélées à l'ampleur de l'invalidité du patient", souligne Wafaa Zaaraoui.
"L'IRM du sodium nous ouvre une voie pour mieux comprendre l'évolution de la maladie et détecter l'apparition de l'atteinte neuro-axonale responsable du handicap chez les patients. Des études à plus large échelle nous permettront de confirmer que ce paramètre est un biomarqueur non invasif de la dégénérescence des neurones. Il pourrait alors être utilisé dans l'évaluation de nouvelles thérapeutiques pour traiter la sclérose en plaques", conclut Jean-Philippe Ranjeva.
Notes:
(1) Le Centre d'exploration métabolique par résonance magnétique forme l'implantation hospitalière du CRMBM. L'ensemble CRMBM (où sont développés les aspects plus fondamentaux) et CEMEREM (pour les transferts cliniques) constitue une unité mixte de recherche CNRS / AMU conventionnée avec l'AP-HM et fondée en 1986 par Patrick Cozzone.
(2) L'imagerie par résonance magnétique (IRM) traditionnelle est basée sur l'excitation des noyaux d'hydrogène portés par les molécules d'eau.
(3) L'équipe de neurologie du professeur Jean Pelletier (APHM, CHU Timone, Marseille) a assuré la sélection et le suivi clinique des 26 patients atteints de SEP qui ont participé à cette étude.