Un iceberg géant de 2550 km2 s'est détaché de la langue de glace du glacier Mertz en Antarctique de l'Est. Ce vêlage a été détecté par une équipe franco-australienne à laquelle participent des chercheurs des laboratoires LEGOS
(1) et LOCEAN
(2) et de l'Université de Tasmanie (
Australian Antarctic Division). Ce phénomène vient s'ajouter aux autres observations faites autour de l'Antarctique où de plus en plus de plateformes glaciaires se détachent du continent et s'entrechoquent, ce qui entraîne une production accrue d'icebergs et une augmentation de l'apport d'eau douce à l'Océan Austral.
Image du 13 février 2010 où l'on voit que la langue de glace et coupée sur toute sa largeur.
Situé 240 km à l'est de la base scientifique française Dumont d'Urville, le glacier Mertz s'écoule dans l'océan avec un débit de 10 à 12 milliards de tonnes de glace par an. Sa langue de glace flottante s'étendait en mer sur 160 km depuis la ligne d'échouage, elle ne fait maintenant plus que 80km. Le nouvel iceberg qui vient de se détacher a une longueur de 78 km et une largeur allant de 33 à 39 km, son épaisseur moyenne est d'environ 400m. Ce vêlage est issu de la collision d'un iceberg encore plus grand, appelé B9B (de 95km de long par 20km de large), avec la langue de glace flottante fragilisée par des crevasses transverses majeures. B9B était échoué sur des hauts fonds depuis 18 ans. Les images satellite (ENVISAT) tendent à montrer que le vêlage s'est produit entre le 12 et le 13 février 2010.
L'évolution du glacier Mertz est suivie depuis 15 ans par les scientifiques de l'équipe CRACICE
(3) qui étudient l'évolution des glaciers côtiers de l'Antarctique et les mécanismes de formation des icebergs. L'équipe suivait en particulier le développement des crevasses transverses qui s'étaient quasiment rejointes lorsque l'iceberg B9B est venu impacter le flanc Est de la langue de glace entraînant la séparation finale. Ces études font appel aux images satellite et à un réseau de balises GPS déployé sur le glacier à partir des moyens (navire Astrolabe et hélicoptères) mis en œuvre par l'institut polaire français (IPEV).
La zone océanique côtière située immédiatement à l'ouest du glacier Mertz est d'un intérêt majeur. C'est là que prennent naissance en partie, les eaux de fond denses et froides de l'Antarctique qui alimentent la circulation océanique mondiale. C'est également un lieu de forte biodiversité riche en production primaire qui fait l'objet de campagnes océanographiques régulières à partir du navire l'Astrolabe dans le cadre du programme de recherche ALBION
(4).
La position future des deux icebergs géants pourrait affecter la circulation océanique et l'équilibre des écosystèmes dans cette région. Ce vêlage d'une intensité exceptionnelle représente une opportunité unique de comprendre et d'évaluer le rôle de cette région sur la circulation océanique générale et donc son impact sur le climat.
Image du 7 février 2010 montrant l'iceberg B9B approchant de la langue de glace du glacier Mertz.
La langue de glace est fracturée de chaque côté mais toujours attachée au glacier en son milieu.
L'image représente une surface de 100km de large par 200 de long.
Notes:
1) LEGOS: Laboratoire d'études en Géophysique et océanographie spatiales (CNRS/Université Paul Sabatier/CNES/IRD).
2) LOCEAN: Laboratoire d'Océanographie et du Climat: Expérimentations et Approches Numériques (CNRS/UPMC/IRD/MNHN).
3) Acronyme anglais de Recherche coopérative sur le vêlage en Antarctique et l'évolution des glaciers, l'équipe CRACICE inclus des chercheurs du LEGOS (CNRS/ Université Paul Sabatier/CNES/IRD), de l'Université de Tasmanie et de l'Antarctique Climate and Ecosystem Cooperative Research Centre (Australie).
4) Adélie Land Bottom water formation and Ice Ocean interactioNs, programme de recherche du laboratoire LOCEAn financé et supporté par INSU/CNRS, IPEV, CNES.