Adrien - Mardi 4 Octobre 2011

Le rôle de l'amygdale dans le déclenchement de la peur


Des patients ayant beaucoup de mal à lire la frayeur sur les visages peinaient tout autant à discerner la peur dans la musique.
Depuis plusieurs années, les scientifiques s'intéressent au rôle de l'amygdale dans le déclenchement de la peur. En situation de danger, cette zone en forme d'amande située de part et d'autre du cerveau agit comme un système d'alarme naturel chez l'être humain et l'animal.

Nathalie Gosselin, associée de recherche au Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS) de l'Université de Montréal, a démontré pour la première fois le rôle multimodal de l'amygdale chez un même groupe de patients ayant subi une excision du lobe médial temporal, où se trouve l'amygdale.

Recrutés à Paris à l'hôpital Pitié-Salpêtrière, ces 16 sujets présentaient des difficultés à reconnaitre la peur évoquée par la musique et celle exprimée par un visage. Plusieurs études ont exploré les effets d'une telle lésion sur la reconnaissance faciale et musicale de la peur, mais toujours de façon parallèle.

"Il est difficile de comparer les divers groupes de patients qui y ont participé, car, comme les empreintes digitales, le cerveau de chacun est unique. Par ailleurs, la gravité de leur lésion est probablement différente. Or, pour tirer des conclusions solides, on devait évaluer un seul et même groupe de sujets en combinant la reconnaissance des visages et celle de la musique", explique Mme Gosselin, qui est aussi neuropsychologue et chercheuse invitée à la Faculté de musique.


Nathalie Gosselin
Les participants avaient pour tâche de percevoir la peur, la gaité et la tristesse évoquées par des mélodies et par des visages. Ils ont eu du mal à repérer la peur, et ce, dans les deux tâches.


"On observe également une corrélation: ceux qui avaient beaucoup de difficultés à lire la frayeur sur les visages peinaient autant à discerner la peur dans la musique. Cela laisse entendre que les deux mécanismes fonctionnent de manière similaire", signale Nathalie Gosselin.

Les troubles sont par ailleurs les mêmes, peu importe que la lésion soit localisée dans l'hémisphère droit ou celui de gauche. "Une telle recherche n'a jamais été faite avec des patients ayant une atteinte unilatérale", mentionne-t-elle.

Des exceptions


Deux individus ont trouvé très ardu de distinguer le caractère effrayant de la musique, mais ils ont reconnu les visages apeurés. Cette anomalie intrigue Nathalie Gosselin. "On a examiné le problème sous toutes ses coutures, dit-elle. Ont-ils une meilleure éducation musicale ? Non. Leur fonctionnement intellectuel et cognitif est-il en jeu ? Non plus."

Est-il possible de trouver une dissociation inverse, c'est-à-dire une lésion à l'amygdale qui altèrerait davantage la capacité à désigner les visages en proie à la peur que celle à reconnaitre la musique qui traduit la même émotion ? "D'autres recherches sont nécessaires, déclare Mme Gosselin. Il serait en effet plus convaincant d'observer le phénomène opposé, comme ce fut le cas pour la musique et le langage. À ce moment-là, on ne pourrait plus parler de hasard. Tout cela nous force à garder l'oeil ouvert."

L'étude a été publiée récemment dans le journal Cortex. La cofondatrice du BRAMS Isabelle Peretz, Dominique Hasboun, Michel Baulac et Séverine Samson y ont aussi contribué.
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL
sous le numéro de dossier 1037632
Informations légales