Michel - Dimanche 15 Avril 2007

Rétro 1923: L'avion sans pilote (2/2)

Faisant suite à la news rétro de dimanche dernier ("historique" et "à la recherche de l'équilibre") la news rétro d'aujourd'hui nous décrit en détail les principes de vol d'un avion sans pilote vus dans les années 1920.

Avertissement: Cette news rétro retranscrit des connaissances scientifiques, techniques ou autres de 1923, et contient donc volontairement les arguments, incertitudes ou erreurs d'époque.


Les boutons de commande entrent en jeu pour faire évoluer l'avion automatique. Ils se présentent sur un tableau analogue à celui d'un ascenseur et lorsqu'on les pousse, mettent en fonctionnement les servomoteurs. D'autres petits moteurs opèrent le décalage des balais, afin de supprimer l'action des stabilisateurs qui s'opposeraient à tout mouvement volontairement commandé.

Ainsi l'avion peut monter, descendre, virer, en un mot exécuter tous les mouvements d'un avion piloté au manche à balai. Avant d'aborder la question de la direction à distance, insistons sur le progrès que vient de faire accomplir à l'aviation la société de télémécanique dont M. Percheron est le directeur technique. En plus de la réalisation de la "stabilisation" proprement dite, assurant la sécurité, question à laquelle, il faut bien le dire, trop de pilotes ont été jusqu'ici indifférents, les essais ont mis en lumière ce fait que l'aviateur doit être rendu à sa véritable fonction, qui est d'être un navigateur au long cours.


Dès à présent, en effet, tout l'appareillage servomoteur que nous avons rapidement décrit est en état d'équiper des avions de transport, en sorte que le pilote n'aura plus à s'occuper de la conduite et de l'équilibre de son appareil, et qu'il pourra s'adonner entièrement à faire le point, à rester en liaison avec la terre par télégraphie ou téléphonie sans fil, à noter les incidents de bord, etc. De plus en plus, le pilote, cessant d'être un simple wattman, va devenir un scientifique, naviguant uniquement au moyen d'instruments et de méthodes nouvelles de repérage: câble Loth, radiogoniométrie, balisage, etc.

Mais voici qui est autrement prodigieux: cet avion, où nous venons de voir le rôle du pilote déjà si considérablement transformé, nous pouvons encore le concevoir s'en allant, sans aucun pilote dans sa carlingue et remplissant des missions auxquelles l'homme, en effet, n'est point indispensable ; transport de messageries, explorations météorologiques, etc.

Nous voici donc en pleine télémécanique Mais ici il va de soi que l'on doit disposer d'une énergie suffisante pour exécuter, à distance et sans confusion, les multiples opérations habituellement dévolues au pilote de l'avion. Dès lors l'électricité, et plus spécialement la T. S. F., impose son emploi. Et pourtant, combien d'obstacles à cet emploi des ondes hertziennes! Tout d'abord, leur propagation en tous sens rend leur énergie très faible ; et si, par exemple, le récepteur se trouve à 5 kilomètres du poste émetteur, il ne recevra que la cent millionième partie de la force émise. Si minimes donc que soient les efforts mécaniques à obtenir sur l'avion, l'onde y pourvoira-t-elle ?... D'autre part, la T. S. F. fonctionnant en milieu ouvert, les récepteurs sont sensibles à toutes les émissions telluriques et magnétiques, aux ondes parasites, sans parler des émissions normales de T. S. F, Ainsi, il va falloir, sur notre avion sans pilote, réaliser à la fois une sensibilité extrême du récepteur et un "verrouillage" le rendant insensible à toute autre émission que celles de son poste directeur.

Hâtons-nous de dire que, depuis la guerre surtout, l'amplification des ondes a été nettement améliorée grâce à l'emploi des lampes à "trois électrodes". Et, par exemple, en utilisant un certain nombre de ces amplificateurs à lampes, groupés "en cascade", on peut arriver à multiplier par 1000 l'énergie reçue par une antenne.

Quant au "verrouillage" du récepteur d'ondes, c'est-à-dire à sa protection contre les brouillages et les ondes parasites, il est également possible de l'obtenir grâce à l'emploi d'un nouveau groupe d'organes: le distributeur et le sélecteur.

Le distributeur peut être comparé à ce cylindre, appelé "controller", que l'on voit sur la plate-forme des tramways, et qui porte des encoches en relation avec les diverses commandes. Il peut, par l'intermédiaire d'un cliquet, tourner d'une fraction de tour correspondant à l'écart angulaire de deux encoches ; à chaque rotation, un plot du cylindre entre en contact avec un des boutons ; "montée", "descente", "virage", etc. et ferme ainsi le circuit électrique.

Quant au sélecteur, disons simplement qu'il est constitué par un petit instrument dénommé "tikker", sorte de diapason, qui n'entre en vibration que sous l'influence des ondes avec lesquelles il a été accordé.

Ainsi "sélecté", le courant est distribué à la série d'organes correspondant à une manœuvre bien définie, par exemple: "Montée". Comme l'énergie reçue par l'antenne a été amplifiée au moyen des lampes "thermoïoniques" à trois électrodes, le courant dont, on dispose est maintenant suffisant pour produire un effet mécanique extrêmement faible, et pourtant capable d'actionner, au moyen de relais, les servomoteurs.



Départ et atterrissage


Il nous faut encore dire quelques mots des dispositifs adoptés en vue de faciliter le départ et l'atterrissage.


Le départ nécessite des commandes tout à fait spéciales. On sait, en effet, que pour éviter les "chevaux de bois", c'est-à-dire cette tendance qu'a naturellement un avion à faire des embardées à droite et à gauche, on doit manœuvrer les ailerons d'une manière absolument inverse de celle du vol; Ici, un "inverseur" a été monté sur tout le système gyroscopique et, au moment où l'avion roule sur le terrain avant de prendre son vol, ce dispositif agit à la fois sur le palonnier et les ailerons pour assurer la direction, et sur la profondeur pour assurer les manœuvres correctes du "manche à balai", ce qui permet à l'avion de "décoller" sans exécuter une "chandelle"... En outre, pour que l'avion ne s'envole pas en "perte de vitesse", ce qui le laisserait retomber à terre après un premier bond, on utilise des dispositifs "anémométriques", qui ne permettent à la commande de montée d'agir que lorsque la vitesse de roulement de l'avion est suffisante.

Enfin, pour l'atterrissage, le dispositif employé est un "loch" qui coupe le moteur et remet les commandes à zéro, passage particulièrement difficile, qui a donné beaucoup de mal aux expérimentateurs, puisqu'il s'agissait d'obtenir un atterrissage moelleux, sans que fût troublée la position de l'appareil, alors qu'on diminue la puissance du moteur.

A lire cette description de l'avion automatique de M. Percheron, on conclura sans doute que c'est là un appareil singulièrement compliqué. Et à dire vrai, l'avion Voisin sur lequel l'inventeur a poursuivi ses expériences, et qui a été piloté par M, le capitaine Arbanère, comporte un enchevêtrement inouï de rouages et d'organes: une douzaine de moteurs électriques, une cinquantaine de relais, plus de quatre cent cinquante connexions, des bobines de self, des conjoncteurs-disjoncteurs, des génératrices, sans parler des gyroscopes stabilisateurs, ni des servomoteurs, avec leurs embrayages multiples et leurs changements de marche...


Mais qu'importe, si le succès était à ce prix ! Le résultat est là, en tout cas, qui prouve que demain l'avion sans pilote, s'il ne remplace pas complètement l'avion monté, va au moins le seconder heureusement. Qui sait même si, dégagé du souci d'un conducteur humain, il ne va pas s'élancer plus haut et plus loin que l'appareil piloté, effectuer des transports à grandes altitudes, utiliser les turbocompresseurs Râteau pour alimenter ses moteurs, et franchir l'espace à 500 kilomètres à l'heure ?... De telles hypothèses ne sont point des rêves, quand on songe que quarante ans ne se sont point écoulés depuis le jour où Hertz vit jaillir une étincelle entre les boules de cuivre de son "éclateur"!




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