Il existe une différence, jusqu'à aujourd'hui non expliquée, entre le nombre de galaxies extrêmement petites et faiblement lumineuses supposées se trouver à proximité de la Voie Lactée et le nombre de tels objets effectivement détectés. Afin de tenter de résoudre l'énigme des "galaxies naines manquantes", deux astronomes ont utilisé le télescope du W. M. Keck Observatory pour étudier une population de galaxies parmi les plus sombres et les moins lumineuses connues, chacune contenant 99% de matière noire. Leurs résultats suggèrent que ce problème n'est sans doute pas aussi grave qu'on le supposait auparavant, et qu'il pourrait même avoir été complètement résolu.
Le mystère des galaxies naines manquantes vient d'une prévision du modèle de la "matière noire froide", qui explique la croissance et l'évolution de l'univers. Cette théorie prévoit que les grandes galaxies comme la Voie Lactée doivent être entourées par un essaim de plus petites galaxies (plusieurs centaines) connues sous le nom de "galaxies naines." Cependant, jusqu'à récemment, seuls 11 compagnons de ce type avaient été détectés en orbite autour de la Voie Lactée. Pour expliquer cette anomalie, les théoriciens avaient proposé que malgré le fait que des centaines de galaxies naines près de la Voie lactée pouvaient exister, la majorité d'entre elles ne posséderaient que peu ou pas d'étoiles. Dans ce cas, les galaxies seraient composées presque entièrement de matière noire, ce mystérieux type de matière qui a des effets gravitationnels sur les atomes ordinaires, mais qui ne produit aucune lumière. Toutefois, prouver l'existence de ce grand nombre de galaxies presque invisibles restait jusqu'à présent problématique.
Distribution des galaxies naines récemment découvertes
en orbite autour de la Voie Lactée.
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Le Dr. Josh Simon du California Institute of Technology et le Dr. Geha du Herzberg Institute of Astrophysics au Canada ont utilisé le télescope de 10 mètres Keck II muni du spectrographe DEIMOS pour procéder à des études complémentaires de huit nouvelles galaxies naines découvertes initialement grâce à l'étude SDSS (Sloan Digital Sky Survey). Leurs analyses leur ont permis de calculer avec précision la masse totale de chaque galaxie. De manière surprenante, chaque système pouvait se classer parmi les plus petits jamais mesurés, plus de 10 000 fois plus petit que la Voie lactée.
"La formation de si petites galaxies n'est pas très bien comprise d'un point de vue théorique," commente le Dr. Simon. "Il est difficile d'expliquer comment les étoiles se forment à l'intérieur de ces galaxies minuscules, ainsi que de prédire exactement combien de naines nous devrions trouver près de la Voie lactée. Nos travaux comblent un peu le fossé entre la théorie de la matière noire froide et les observations en augmentant de manière significative le nombre de galaxies naines à proximité de la Voie lactée et nous en apprenant davantage sur les propriétés de ces galaxies. Nous savons maintenant que les galaxies naines peuvent être encore plus petites que nous ne le croyions possible."
Grâce à de nombreuses mesures sur 814 étoiles dans les huit galaxies naines il a été possible de déterminer que ces étoiles se déplaçaient beaucoup plus lentement que les étoiles dans d'autres galaxies connues (de 4 à 7 km/sec.) En comparaison, le Soleil gravite autour du centre de la Voie Lactée à une vitesse d'environ 220 km/sec. Au total, les astronomes ont mesuré des vitesses précises pour 18 à 214 étoiles dans chaque galaxie, soit environ trois fois plus d'étoiles par galaxie que n'importe quelle étude précédente.
Certains paramètres de la théorie de la matière noire froide peuvent désormais être mis à jour pour correspondre aux conditions observées dans l'univers local. En se basant sur les masses mesurées des nouvelles galaxies naines, Simon et Geha ont conclu que le rayonnement ultraviolet important émis par les premières étoiles, qui se sont formées juste quelque cent millions d'années après le Big Bang, a pu avoir soufflé tout le gaz d'hydrogène hors des galaxies naines en formation à cette époque. Ce manque de gaz a empêché les galaxies de créer de nouvelles étoiles, les laissant très peu lumineuses, voire dans de nombreux cas complètement sombres. Lorsque ce phénomène est inclus dans les modèles théoriques, le nombre de galaxies naines prévues et observées est en accord.
"Une des conséquences de nos résultats est que jusqu'à quelques cent galaxies complètement sombres devraient exister effectivement dans le voisinage cosmique de la Voie Lactée," ajoute le Dr. Geha. "Si le modèle de matière noire froide est correct elles doivent être là, et le prochain défi des astronomes sera de trouver un moyen de détecter leur présence."
Comme l'étude du SDSS ne couvre qu'environ 25% du ciel, on s'attend à ce que de futures études du reste de la voûte céleste détectent au moins 50 galaxies naines dominées par la matière noire autour de la Voie Lactée. Des télescopes pour une étude de ce type, le projet Pan-STARRS, sont actuellement en cours de construction.