Michel - Mardi 20 Juin 2006

Leur répulsion attire des atomes entre eux

Des physiciens autrichiens ont découvert un nouvel état de liaison stable produit à partir de deux atomes qui se repoussent. Ce résultat contraire à l'intuition – on pense normalement que deux objets doivent s'attirer pour être reliés – a été obtenu par une équipe conduite par Johannes Hecker Denschlag et Andrew Daley de l'université d'Innsbruck en piégeant des atomes de rubidium ultra froids dans un treillis optique.

Leurs travaux pourraient avoir des implications dans le domaine des ordinateurs quantiques et dans l'étude des états de liaison à un niveau fondamental. Leur expérience a également montré comment les treillis optiques peuvent être utilisés pour analyser les phénomènes impliquant de nombreux corps qu'il est difficile d'observer par d'autres moyens.


Normalement, deux objets qui se repoussent
s'éloignent l'un de l'autre

Pour lier deux objets ensemble, on doit normalement les faire s'attirer l'un l'autre. Cependant, Denschlag et ses collaborateurs ont désormais prouvé que ce n'est pas toujours nécessaire et que des objets peuvent s'agglomérer même lorsqu'il existe une force répulsive entre eux. Le phénomène est surprenant puisque dans l'espace libre des paires répulsives ne peuvent exister: si l'on réunit deux objets qui se repoussent il ne font que s'éloigner l'un de l'autre.

Les chercheurs ont démontré que ce problème pouvait être surmonté en plaçant les objets dans un treillis optique tridimensionnel. Ce treillis est composé d'un "cristal" artificiel de lumière constitué par les interférences de multiples rayons laser. Ce cristal contient des puits de potentiels ou "fossettes" dans lesquels les atomes peuvent être piégés


La répulsion entre des paires d'atomes de rubidium identiques
dans un treillis optique artificiel provoque leur stabilité


Pour leur expérience, les scientifiques ont tout d'abord préparé un échantillon de molécules de rubidium-87 ultra froid à partir d'un condensat de Bose-Einstein (BEC) d'atomes de rubidium. Un BEC est un ensemble de particules refroidies à une température si basse que toutes les particules possèdent le même état quantique. Les physiciens ont ensuite chargé les molécules de rubidium-87 dans le treillis optique. Puis, en provoquant une séparation contrôlée des molécules par application d'un champ magnétique (à l'aide de ce qu'on appelle la résonance de Fesbach), ils ont obtenu des paires d'atomes se repoussant fortement. Chaque puits ne contenait plus alors qu'une paire répulsive d'atomes ou aucune.

Les chercheurs ont constaté que bien que les atomes de rubidium se repoussaient dans une paire, ils demeuraient toujours ensemble dans les fossettes. De plus, lorsqu'ils ont supprimé les interactions entre les atomes, les paires se dissociaient rapidement. Quand l'interaction de répulsion avait de nouveau été rendue active, cette dissociation cessait de sorte que les atomes se trouvaient de nouveau appariés.

Selon l'équipe, cette configuration liée est stable parce que l'énergie totale des atomes est plus faible quand ils sont proches que lorsqu'ils sont séparés. En d'autres termes, l'énergie cinétique des atomes est limitée à certains intervalles dans l'environnement spécial du treillis optique. Pour que les atomes puissent se séparer, ils devraient entrer dans un état énergétique qui leur "est interdit" par la physique quantique. Cela signifie que les atomes peuvent se déplacer par paires d'un puits à un autre, mais ne peuvent pas le faire seuls.


(a) La répulsion entre deux atomes partageant un site du treillis
dans la bande la plus basse provoque une énergie d'interaction U.
La dissociation de la paire cesse à cause de la structure de bande
du treillis et de la conservation de l'énergie
(b) La paire est un objet composite qui peut traverser le treillis par effet tunel


"Nos résultats seront également appropriés pour les recherches actuelles sur les ordinateurs quantiques, et particulièrement dans la façon d'utiliser des atomes dans les treillis optiques pour modéliser des systèmes très complexes de la physique des semi-conducteurs", indique Daley. "Par exemple, des atomes dans un treillis optique pourraient être utilisés pour simuler des électrons dans la structure en treillis des matériaux semi-conducteurs". Dans le futur, ces systèmes pourraient être employés comme simulateurs quantiques pour modéliser des matériaux tels que les supraconducteurs à hautes températures et autres systèmes "exotiques".

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