Un trou noir supermassif expulsé de sa galaxie

Publié par Adrien le 15/05/2022 à 09:00
Source: Observatoire de Paris
Restez toujours informé: suivez-nous sur Google Actualités (icone ☆)

Lorsque deux galaxies fusionnent, les trous noirs supermassifs qui se cachent dans leurs noyaux fusionnent rapidement. Leur énergie orbitale relative sera rayonnée par les ondes gravitationnelles. Si cette dernière émission est fortement anisotrope, cela produira un recul du trou noir résultant de la fusion qui sera expulsé. L'événement est difficile à détecter et seuls des candidats ont été observés.

Dans un travail récent, une équipe internationale comprenant des chercheurs de l'Observatoire de Paris - PSL, a détecté le gaz moléculaire de la galaxie rémanente du candidat 3C186, ce qui confirme que le trou noir massif a été éjecté de sa galaxie à 2000km/s, et à une distance projetée de 24 000 années lumière.


Image HST en ultra-violet de la galaxie 3C 186 (Morishita et al. 2022 arXiv220412499). Les contours verts et bleus affichent la carte NOEMA aux longueurs d'onde millimétriques (Castignani et al. 2022 arXiv220405882). Ils montrent un net décalage de 8 kpc entre le réservoir de gaz moléculaire de la galaxie hôte (vert) et le continuum d'émission de la source radio/quasar (bleu).

Les fusions de galaxies sont des mécanismes fondamentaux régulant la croissance des galaxies et l'évolution des trous noirs super massifs (SMBH) en leurs centres. Lorsque le SMBH fusionne, une fraction de l'énergie de liaison du SMBH est convertie en ondes gravitationnelles (GW). En cas d'anisotropie de cette émission GW, le SMBH résultant de la fusion peut recevoir une impulsion de recul. Des déplacements mesurables des SMBH par rapport au centre de leur galaxie hôte ont été théoriquement prédits, résultant des reculs GW. Cependant, jusqu'à présent, il n'y a pas eu de détection sans ambiguïté de tels déplacements. Une telle détection aurait un impact énorme sur notre compréhension de l'évolution des galaxies et des structures à grande échelle.

Afin de relever ce défi, une équipe internationale de chercheurs a étudié 3C 186, une puissante source radio extra-galactique, à une distance de 8 milliards d'années-lumière de la terre, qui s'est imposée comme un plausible candidat de recul GW. L'équipe a étudié le gaz moléculaire de la galaxie 3C 186, en utilisant le Northern Extended Millimeter Array (NOEMA) au Plateau de Bure, dans les Alpes françaises.

Dans une Astronomy and Astrophysics Letter qui vient d'être publiée, ils rapportent de nouvelles observations de 3C 186 à des longueurs d'onde millimétriques, à une résolution et une sensibilité sans précédent. Ils ont pu détecter l'émission de CO de la galaxie, et découvrir un disque moléculaire de 8x1010 Msun, tournant autour du centre de la galaxie. Ce disque est clairement décalé de 8kpc en projection de la source radio/quasar, révélé par les régions de très hautes vitesses autour du trou noir massif (voir illustration). De plus, la ligne CO révèle que la vitesse de la galaxie et du quasar sont décalées de 2000 km/s, le long de la ligne de visée. L'étude rapporte ainsi la première confirmation d'un recul GW via des observations millimétriques à haute résolution. Ces observations interférométriques étaient en effet vitales pour tester le scénario de recul GW, car elles sondent à la fois le réservoir de gaz moléculaire qui est le carburant de la formation d'étoiles dans la galaxie hôte ainsi que l'émission continue associée à la source radio, qui est finalement alimentée par l'accrétion sur le SMBH.

Le déplacement observé est en accord remarquable avec les prédictions théoriques des impulsions de recul des GW. Ceci est interprété par l'équipe comme le résultat d'un fort recul des ondes gravitationnelles lorsque deux SMBH ont fusionné après la fusion de leurs galaxies hôtes. Ce serait l'événement le plus énergique jamais observé: une fusion majeure de SMBH de masse comparable.

Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives pour les radiotélescopes de nouvelle génération, tels que le Square Kilometre Array (SKA) et le pulsar-timing array (PTA), un réseau géant de radiotélescopes, surveillant des centaines de pulsars. Ils seront directement sensibles aux GW émis par les SMBH en coalescence de masses similaires à celles que l'on s'attend à trouver dans des sources radio telles que 3C 186.

Référence:
Castignani, G., Meyer, E., Chiaberge, M., Combes F. et al: 2022, NOEMA observations support a recoiling black hole in 3C186, Astronomy & Astrophysics Letters, 661, L2 www.aanda.org
Page générée en 0.189 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales | Partenaire: HD-Numérique
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise