Séquestration du CO2 par altération chimique des roches dans un contexte de changement climatique à l'échelle globale
L'altération chimique des roches a un impact significatif sur la régulation du climat mondial à long terme. Elle transforme le CO
2 en
carbone inorganique dissous (CID) par dissolution des carbonates et hydrolyse des silicates. Le CID est ensuite exporté par les fleuves vers les océans. Les flux de CID peuvent donc être utilisés en première
approximation pour évaluer l'intensité de l'altération chimique. Parue dans la revue
Nature: Scientific Reports, une récente étude vise à estimer les impacts potentiels du changement climatique sur ces flux.
Les différents scénarios de changement climatique montrent des augmentations de la température de l'air et des changements importants dans le cycle hydrologique. Pourtant, les effets de ces changements sur l'altération chimique et la
dynamique de séquestration du CO
2 associée et l'exportation de CID par les fleuves vers les océans ont été peu investigués et restent aujourd'hui mal connus. Ainsi les effets de la température peuvent être contradictoires. Ils peuvent provoquer d'une part une augmentation de l'
activité microbienne des sols, impliquant une augmentation de la production de CO
2, moteur de l'altération par la
respiration dans les sols, et d'autre part, une diminution de la dissolution du CO
2 dans l'eau et de la dissolution des carbonates. L'hydrologie reste le principal facteur de
contrôle du
transport de CID à l'échelle globale.
Comment évoluera la consommation annuelle de CO
2 par altération sous l'effet du changement climatique ? Où et quand ces changements de consommation de CO
2 par altération seront-ils les plus visibles à l'échelle globale ? Ces questions scientifiques sont abordées dans une étude publiée dans la revue
Nature Scientific Reports.
Dans cette étude, une cascade de modèles (VIC, ICWR, MEGA, voir plus bas) a été appliquée à 300 grands bassins fluviaux (BV) du monde, couvrant environ 70 % de la superficie totale des continents. Cette modélisation a permis une évaluation spatiale et temporelle de la séquestration du CO
2 par altération chimique des BV selon deux scénarios de changement climatique (RCP 2.6 et RCP 8.5). La dynamique historique (1969-1999) et future (2071-2100) des flux de cations et d'anions libérés dans les eaux de
surface par l'altération chimique des roches et de la séquestration de CO
2 associée a été modélisée en couplant le modèle hydrologique VIC avec le modèle géochimique ICWR. Les résultats obtenus pour ces différents scénarios climatiques ont ensuite été utilisés comme entrée dans le modèle géochimique MEGA pour estimer la consommation de CO
2.
Ainsi, les chercheurs montrent dans cette étude que l'altération chimique présente une augmentation générale de la quantité annuelle de CO
2 consommée, passant de 0,247 ± 0,045 Pg C·y
-1 à 0,261 et 0,273 ± 0,054 Pg C·y
-1, respectivement pour les scénarios RCP 2.6 et RCP 8.5. Malgré une augmentation générale de la séquestration mondiale quotidienne, les deux scénarios climatiques montrent une diminution entre juin et août. Ces projections de changements de CO
2 ont été évaluées par rapport aux changements hydrologiques, et cartographiées à l'échelle globale, permettant de mettre en évidence les
hot spots et les
hot moments aux échelles annuelle et saisonnière.
a) Consommation moyenne interannuelle de CO2 due à l'altération chimique au cours de la période historique, exprimée en Mg C·y-1·km-2 ; et b) changement relatif entre le présent et la période 2071-2100 dans les scénarios climatiques RCP 2.6 et RCP 8.5, exprimé en pourcentage de changement par rapport à la période historique.
Laboratoire CNRS impliqué:
Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et
Environnement (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/Toulouse INP)
Référence:
Juan Luis Lechuga-Crespo, Sabine Sauvage, Estilita Ruiz-Romera, Michelle T.H. van Vliet, Jean-Luc Probst, Clément Fabre, José Miguel Sánchez-Pérez (2021).
Global carbon sequestration through continental chemical weathering in a climatic change context.
Nature,
Sci Rep 11
, 23588.
Contacts:
- José Miguel Sanchez Pérez - Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/INP Toulouse) - jose.sanchez at univ-tlse3.fr-
- Sabine Sauvage - Ingénieure en écologie et environnement dans le Laboratoire d'écologie fonctionnelle et environnement, Toulouse
- Catherine Donati - Correspondante communication - Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/INP Toulouse) - catherine.donati at univ-tlse3.fr