L'activité locomotrice se caractérise par une succession de pas dont le rythme peut être régulé en fonction de nos envies, de nos besoins. Cependant les mécanismes neuronaux par lesquels le rythme est produit et régulé restent énigmatiques. Les scientifiques viennent d'identifier dans la
moelle épinière deux conductances dont la dualité
fonctionnelle, qui s'apparente à celle du yin et yang, est au coeur de la genèse du rythme locomoteur. Ces travaux font l'objet d'une publication dans la revue
Plos Biology.
Figure: Représentation schématique d'un générateur du rythme locomoteur dans lequel le poids respectif de INap et de IM régule la fréquence des activités oscillantes des cellules pacemakers et donc de la vitesse de la marche.
© Jérémy Verneuil & Frédéric Brocard
A l'inverse de l'adage "qui se ressemblent s'assemblent", les opposés s'attirent comme deux aimants pour n'en faire qu'un. Les chercheurs viennent de démontrer l'existence au sein de la moelle épinière, berceau du rythme locomoteur, d'un duo de conductances que tout oppose et reste pourtant indissociable dans la fonction locomotrice.
Le rythme de la marche est généré par des neurones spinaux dont la particularité est d'osciller de façon autonome. Ainsi, ces cellules dites pacemakers passent tour à tour d'un état activé (dépolarisé) à un état de repos, à l'image du métronome oscillant entre deux positions diamétralement opposées. Les chercheurs viennent de découvrir que cet état dit "bistable" résulte de l'activation alternée d'une conductance sodique persistante (
INap), qui dépolarise le
neurone, et d'une conductance potassique persistante (
IM) qui repolarise celui-ci. Une approche pharmacologique et l'invalidation d'un gène, ont permis d'identifier la nature du canal qui génère
IM. Il s'agit du canal Kv7.2 dont l'expression, révélée par immunohistochimie, se concentre sur le segment initial de l'axone des neurones pacemakers de la marche. Cette expression se superpose à celle des canaux sodiques responsables de
INap. La modélisation du
réseau locomoteur adossée à une étude comportementale montre que le poids relatif de
INap et de IM régule l'excitabilité des neurones pacemakers et la fréquence de la marche. Ainsi, le rythme décélère lorsque
INap prédomine et réciproquement accélère lorsque
IM prend le pas sur
INap.
Au-delà d'une meilleure compréhension des mécanismes cellulaires impliqués dans la genèse du rythme locomoteur, cette étude illustre la grande plasticité fonctionnelle de la moelle épinière. Reste à déterminer si un déséquilibre du couple moteur
INap/
IM contribue aux troubles de la marche observés dans de nombreuses pathologies.
Pour en savoir plus:
The M-current works in tandem with the persistent sodium current to set the speed of locomotion.
Verneuil J, Brocard C, Trouplin V, Villard L, Peyronnet-Roux J, Brocard F.
PLoS Biol. 2020 Nov 13;18(11):e3000738.
doi: 10.1371/journal.pbio.3000738.
Laboratoire:
Institut de neurosciences de la Timone (INT) - (CNRS/Aix-Marseille Université) -
Campus santé Timone. 27
boulevard Jean
Moulin. - 13385 Marseille Cedex 5.
Contact:
Frédéric Brocard - Chercheur CNRS à l'Institut de neurosciences de la Timone (INT) - frederic.brocard at univ-amu.fr