Les astronomes révèlent l'origine interstellaire de l'une des briques du Vivant

Publié par Redbran le 17/01/2020 à 14:00
Source: ESO
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Présent au sein de notre ADN et de nos membranes cellulaires, le phosphore est un élément essentiel à la vie telle que nous la connaissons. Toutefois, les modalités de son arrivée sur la Terre primitive demeurent inconnues. Les astronomes sont parvenus à retracer le parcours du phosphore depuis les régions de formation stellaire jusqu'aux comètes en combinant les données acquises par le réseau ALMA et la sonde Rosetta de l'Agence Spatiale Européenne. Leur travail de recherche révèle le site de production des molécules contenant du phosphore, leur transport cométaire ainsi que le rôle crucial joué par une molécule particulière dans l'apparition de la vie sur notre planète.


Des molécules composées de phosphores détectées dans une région de formation stellaire et sur la comète 67P
Crédit: ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), Rivilla et al.; ESO/L. Calçada; ESA/Rosetta/NAVCAM; Mario Weigand, www.SkyTrip.de

“La vie est apparue sur Terre voici quelques 4 milliards d'années. Les processus qui en sont à l'origine demeurent toutefois aujourd'hui encore méconnus” précise Victor Rivilla, auteur principal d'une nouvelle étude publiée ce jour au sein de la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society. Les nouveaux résultats obtenus par le Vaste Réseau (Sub-)Millimétrique de l'Atacama (ALMA), dont l'Observatoire Européen Austral (ESO) est partenaire, et par l'instrument ROSINA embarqué sur la sonde Rosetta, montrent que le monoxyde de phosphore constitue un élément essentiel du puzzle de l'origine de la vie.

La résolution d'ALMA a permis d'examiner en détail la région de formation stellaire baptisée AFGL 5142. Les astronomes ont donc pu localiser le site de production des molécules phosphorées tel le monoxyde de phosphore. De nouvelles étoiles et leurs cortèges planétaires se forment au sein de nuages de gaz et de poussière semblables aux nuages interstellaires. Ces derniers constituent donc les sites de recherche privilégiés des éléments constitutifs de la vie.


Sur cette image acquise par ALMA figure une vue détaillé de la région de formation stellaire AFGL 5142. Une jeune étoile massive et brillante est visible au centre de l'image. Les flux de gaz issus de cette étoile ont généré une cavité en périphérie. Sur les parois de cette cavité (figurée en couleurs) se sont formées les molécules composées de phosphore tel le monoxyde de carbone. Les différentes couleurs représentent les mouvements de matière à différentes vitesses.
Crédit: ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), Rivilla et al.

Les observations d'ALMA ont montré que la création de molécules phosphorées accompagne la formation d'étoiles massives. Les flux de gaz issus des jeunes étoiles massives créent des cavités au sein des nuages interstellaires. Sous les effets combinés des chocs et du rayonnement en provenance de la jeune étoile, des molécules contenant du phosphore se forment sur les parois de ces cavités - en particulier le monoxyde de phosphore, la molécule phosphorée la plus abondante sur ces sites.

Après avoir recherché cette molécule au sein de diverses régions stellaires au moyen d'ALMA, l'équipe européenne s'est focalisée sur un objet du Système Solaire: la désormais célèbre comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. L'idée était de suivre la trace de ces composés phosphorés. Si les parois de la cavité s'effondrent pour donner lieu à une étoile - de faible masse telle le Soleil en l'occurrence, le monoxyde de phosphore est susceptible de geler et de se retrouver piégé au sein de grains de poussière glacés qui demeurent en périphérie de la nouvelle étoile. Avant même que l'étoile ne soit complètement formée, ces grains de poussière s'agglutinent et se constituent en cailloux, en rochers, et finalement en comètes, qui deviennent des vecteurs de monoxyde de phosphore.


Mosaïque de la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko, créée à partir d'images acquises le 10 septembre 2014, alors que la sonde ROSETTA de l'ESA se situait à 27,8 km de la comète.
Crédit: ESA/Rosetta/NAVCAM, CC BY-SA 3.0 IGO

L'instrument ROSINA (Rosetta Orbiter Spectrometer for Ion and Neutral Analysis) embarqué à bord de la sonde ROSETTA a collecté, deux années durant, des données concernant 67P. A l'époque de la mission, ces données avaient révélé la présence de phosphore. Toutefois, les astronomes ignoraient la molécule ayant contribué à son acheminement sur la comète. Kathrin Altwegg, la scientifique responsable de l'instrument ROSINA, par ailleurs contributrice de cette nouvelle étude, a émis une hypothèse concernant cette molécule de transport après avoir été approchée lors d'une conférence par un astronome étudiant les régions de formation stellaires au moyen d'ALMA: “Elle a dit que le monoxyde de phosphore pourrait être un excellent candidat, alors j'ai ré-examiné nos données et déniché sa trace !”

Cette première détection de monoxyde de phosphore sur une comète permet d'établir une relation entre les régions de formation stellaire, sites de production de la molécule, et la Terre.

“La combinaison des données d'ALMA et de ROSINA a révélé une sorte de fil conducteur chimique durant tout le processus de formation stellaire, dans lequel le monoxyde de phosphore joue un rôle essentiel” précise Victor Rivilla, chercheur à l'Observatoire d'Astrophysique d'Arcetri de l'INAF, l'Institut National d'Astrophysique en Italie.

“Le phosphore est un élément essentiel à la vie telle que nous la connaissons” ajoute Kathrin Altwegg. “Les comètes ont fort probablement acheminé de vastes quantités de composés organiques jusqu'à la Terre. Le monoxyde de phosphore découvert au sein de la comète 67P renforce le lien entre les comètes et la vie sur Terre.”


Sur cette carte figure la localisation de la région de formation stellaire baptisée AFGL 5142, récemment observée au moyen d'ALMA, dans la constellation du Cocher. La plupart des étoiles visibles à l'oeil nu par temps clair et par nuit noire sont représentées. Sur cette image, AFGLS 5142 est entouré d'un cercle de couleur rouge.
Crédit: ESO, IAU and Sky & Telescope

La collaboration entre astronomes a permis de documenter les étapes de ce parcours. “La détection du monoxyde de phosphore a été rendue possible grâce à un échange interdisciplinaire entre les télescopes au sol et les instruments spatiaux”, précise Kathrin Altwegg.

Leonardo Testi, astronome à l'ESO et Directeur des Opérations d'ALMA, conclut ainsi: “Comprendre nos origines, en particulier la fréquence des conditions chimiques favorables à l'émergence de la vie, constitue un sujet d'étude majeur de l'astophysique moderne. Tandis que l'ESO et ALMA se focalisent sur l'observation des molécules composant les jeunes systèmes planétaires distants, l'ESA, au travers de ses missions spatiales telle Rosetta, effectue l'inventaire direct des espèces chimiques présentes au sein de notre Système Solaire. La synergie entre les principales installations terrestres et les sondes spatiales, au travers de la collaboration entre l'ESO et l'ESA, constitue un atout majeur pour les chercheurs européens et permet des découvertes révolutionnaires telle celle dont il est question au sein de cet article.”

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