© Grégoire Savary, Nicolas Pottier, Franck Aguila & Bernard Mari Les chercheurs ont identifié un locus produisant un long ARN non-codant spécifiquement exprimé dans les myofibroblastes, principales cellules effectrices de la fibrose. Leur étude, publiée dans
American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, montre que cibler cet ARN non-codant par diverses stratégies moléculaires dans un modèle
in vivo de fibrose
pulmonaire mais également dans les cellules de patients diminue la sévérité de la
pathologie, suggérant une nouvelle piste
thérapeutique.
La fibrose pulmonaire représente une cause importante de morbidité et de mortalité dans le monde dont l'incidence ne cesse de croitre dans les pays développés. Relativement méconnue, la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est une pathologie chronique irréversible affectant l'interstitium pulmonaire et pour laquelle les options thérapeutiques sont limitées à l'heure actuelle.
Un des facteurs pro-fibrotiques majeurs est le TGF-β, induisant l'apparition de cellules de type "myofibroblastes" à partir de différentes populations de cellules mésenchymateuses présentes dans le poumon sain. Les myofibroblastes sont des acteurs centraux de la fibrogenèse, ces cellules étant majoritairement responsables de la synthèse excessive des constituants de la matrice extracellulaire à l'origine de la destruction de l'
architecture tissulaire. Cibler le TGF-β représente une des stratégies thérapeutiques majeures mais celle-ci n'a pas encore abouti en clinique car elle s'accompagne de très nombreux effets secondaires indésirables, principalement lié au rôle multifonctionnel de ce facteur.
C'est dans ce cadre que les chercheurs ont caractérisé l'ensemble des ARN non-codants régulés par le TGF-β dans les fibroblastes pulmonaires. Ils ont ainsi identifié un long ARN non-codant
nucléaire, DNM3OS (
Dynamin 3 Opposite Strand), qui est uniquement exprimé dans les cellules effectrices pathologiques dans le poumon fibrosé. L'étude de la fonction de cet ARN non-codant a permis de démontrer qu'il produisait trois
microARN pro-fibrotiques, appelés "FibromiRs", jouant un rôle d'
amplificateur de la voie du TGF-β spécifiquement dans ces cellules.
Ils ont alors développé trois stratégies thérapeutiques à base d'oligonucléotides anti-sens permettant i) de détruire le transcrit nucléaire DNM3OS ; ii) de bloquer l'activité d'un des 3 FibromiRs jouant un rôle central dans la signalisation du TGF-β ou iii) d'empêcher l'
interaction de ce FibromiR avec sa cible majeure. Ces trois stratégies ont été utilisées
in vivo chez la
souris, diminuant la sévérité de la fibrose pulmonaire. Les chercheurs ont ensuite collaboré avec des cliniciens de Nice, de Paris Nord-Val de Seine et de Giessen en Allemagne et ont validé ces approches sur des cellules isolées à partir de patients atteints de FPI.
Ces travaux suggèrent que ces petites molécules anti-sens pourraient permettre d'inhiber l'activité du TGF-β spécifiquement au niveau des myofibroblastes, représentant une nouvelle piste thérapeutique pour le traitement de la FPI, mais également pour d'autres types de pathologies fibroprolifératives (hépatiques ou rénales).
Figure: (A) L'ARN non-codant DNM3OS est exprimé exclusivement dans les myofibroblastes dans un poumon fibrosé. Une zone fibrosée d'un poumon de souris (carré blanc) est agrandie sur la droite de la figure. Cette zone contient des myofibroblastes exprimant un marqueur caractéristique, l'actine de muscle lisse (en rouge). Seules les cellules exprimant ce marqueur contiennent également un signal en blanc spécifique pour DNM3OS présent au niveau du noyau des cellules (coloration bleue). (B-D) Les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans un modèle préclinique de fibrose pulmonaire: (B) un oligonucléotide antisens de type "gapmer" induisant la dégradation de DNM3OS dans le noyau par un mécanisme dépendant de la RNAse-H ; (C) un inhibiteur de microARN (LNA-miR-199a-5p) protégeant toutes les cibles de miR-199a-5p ; (D) un oligonucléotide bloquant spécifiquement la fixation de miR-199a-5p sur le transcrit CAV1, protégeant uniquement CAV1 de la dégradation.
© Grégoire Savary, Nicolas Pottier, Franck Aguila & Bernard Mari.
Pour en savoir plus:
The Long Non-Coding RNA DNM3OS is a Reservoir of FibromiRs with Major Functions in Lung Fibroblast Response to TGF-β and Pulmonary Fibrosis.
Savary G, Dewaeles E, Diazzi S, Buscot M, Nottet N, Fassy J, Courcot E, Henaoui IS, Lemaire J, Martis N, Van der Hauwaert C, Pons N, Magnone V, Leroy S, Hofman V, Plantier L, Lebrigand K, Paquet A, Lino Cardenas CL, Vassaux G, Hofman P, Günther A, Crestani B, Wallaert B, Rezzonico R, Brousseau T, Glowacki F, Bellusci S, Perrais M, Broly F, Barbry P, Marquette CH, Cauffiez C, Mari B, Pottier N.
Am J Respir Crit Care Med. 2019 Apr 9. doi:
10.1164/rccm.201807-1237OC. [Epub ahead of print]
Contacts chercheurs:
- Bernard Mari - Chercheur CNRS à l'
Institut de
Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire (IPMC) - (CNRS/Université Côte d'Azur)
- Nicolas Pottier -Enseignant-chercheur au Laboratoire IMPECS - (Université de Lille, CHU Lille)