Adrien - Samedi 6 Décembre 2025

🔭 Quasars géants: découverte de dizaines de structures intergalactiques

Grâce au Giant Meterwave Radio Telescope (GMRT) en Inde, une équipe d'astronomes a récemment identifié 53 nouveaux spécimens d'une catégorie rare de quasars, nommés quasars radio géants. Ces objets émettent des ondes radio et leurs jets s'étendent jusqu'à 7,2 millions d'années-lumière, soit environ cinquante fois la largeur de la Voie lactée.

Cette découverte fait partie d'un ensemble plus large de 369 quasars radio repérés dans les données du TIFR GMRT Sky Survey (TGSS), qui a scruté près de 90% du ciel visible depuis la Terre. La sensibilité et la large couverture du GMRT ont été déterminantes pour détecter ces structures gigantesques et souvent très éloignées.


Deux exemples de quasars radio géants récemment découverts, chacun s'étendant sur des millions d'années-lumière.
Crédit: Pal, et al (2025)


Ces quasars sont alimentés par des trous noirs supermassifs, dont la masse équivaut à des millions ou des milliards de fois celle du Soleil. Situés au centre des galaxies, ces trous noirs attirent d'énormes quantités de gaz et de poussière qui forment un disque d'accrétion autour d'eux.

La friction au sein de ce disque chauffe la matière, produisant une intense radiation. Cependant, une partie de ce matériau n'est pas absorbée ; elle est canalisée par des champs magnétiques vers les pôles du trou noir, puis éjectée à des vitesses extrêmes sous forme de jets jumeaux. Ces jets, en s'éloignant, s'élargissent pour former de vastes lobes émettant principalement dans le domaine radio.

Les chercheurs ont observé que ces jets géants présentent souvent une asymétrie marquée en longueur ou en luminosité. Cette dissymétrie reflète les conditions inégales du milieu intergalactique traversé. Un côté du jet peut rencontrer des nuages de gaz plus denses, ce qui ralentit son expansion, tandis que l'autre se propage librement dans un environnement plus ténu. Cette interaction avec le milieu environnant façonne l'évolution des jets et offre des indices précieux sur la composition et la densité du gaz entre les galaxies (voir l'explication sur les jets comme sondes en fin d'article).

L'étude révèle également qu'au moins 14% de ces quasars géants se trouvent au sein d'amas ou de filaments galactiques, là où la matière est plus concentrée. Dans ces régions denses, les jets peuvent être ralentis, déviés ou fragmentés par le gaz ambiant. À l'inverse, dans des zones plus vides, ils peuvent s'étendre sans entrave sur de plus grandes distances. Cette influence de l'environnement aide à comprendre pourquoi certains quasars développent des structures aussi colossales.


Les quasars les plus lointains, donc observés à une époque plus reculée de l'Univers, montrent généralement une asymétrie plus prononcée. Cela pourrait s'expliquer par un cosmos jeune, plus turbulent et riche en gaz, qui perturbait davantage la trajectoire des jets. En analysant ces objets, les astronomes reconstituent non seulement l'histoire des trous noirs supermassifs, mais aussi celle de l'Univers lui-même, depuis ses phases initiales jusqu'à son état actuel.

La détection de ces structures pose des défis techniques, car le lien radio entre les deux lobes peut devenir trop faible pour être perçu, donnant l'impression d'une structure incomplète. Les relevés à basse fréquence, comme celui réalisé avec le GMRT, sont particulièrement adaptés car les lobes âgés émettent plus fortement dans ces longueurs d'onde. Cette approche a permis de dévoiler une population cachée de quasars géants, ouvrant de nouvelles perspectives pour cartographier les grandes structures cosmiques.

Les jets radio, des sondes pour l'Univers lointain


Les jets de matière émis par les quasars radio géants servent de véritables sondes naturelles pour étudier des régions de l'Univers autrement inaccessibles. En traversant le milieu intergalactique, ils en révèlent la densité, la composition et la structure à des échelles de plusieurs millions d'années-lumière. Leur comportement nous renseigne donc sur l'environnement dans lequel les galaxies évoluent.

Lorsqu'un jet rencontre un nuage de gaz plus dense, sa progression est ralentie, et son émission radio peut être affectée. Cela explique pourquoi les jets présentent souvent une asymétrie: un côté peut sembler plus court ou moins brillant parce qu'il a rencontré plus de résistance. En analysant ces différences, les astronomes peuvent cartographier indirectement la distribution de la matière diffuse entre les galaxies.


De plus, comme la lumière met du temps à nous parvenir, observer un quasar lointain revient à regarder le passé. Les quasars les plus éloignés nous montrent l'Univers à une époque où il était plus jeune, plus chaud et plus dense. Les fortes asymétries observées chez certains d'entre eux indiquent que le milieu intergalactique était alors plus agité, avec des écarts de densité plus marqués.

Enfin, l'étude de ces jets aide à comprendre le cycle de vie des trous noirs supermassifs et leur influence sur l'évolution galactique. L'énergie libérée par ces jets peut chauffer ou disperser le gaz environnant, régulant ainsi la formation des étoiles dans la galaxie hôte ou dans ses voisines. Ces processus de rétroaction sont fondamentaux dans la formation des grandes structures que nous observons aujourd'hui.
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