Adrien - Vendredi 20 Janvier 2017

Quand mal contracter un épithélium intestinal provoque une maladie rare

Les épithéliums doivent constamment s'adapter de façon collective à leur microenvironnement pour maintenir une organisation polarisée. Enrayer ce processus conduit fréquemment au développement de maladies congénitales ou de cancers. Une équipe de l'Institut Jacques Monod, en collaboration avec des cliniciens de l'Hôpital Necker-Enfants Malades, ont mis en évidence un lien causal entre une anomalie de la contractilité des cellules épithéliales et une maladie infantile rare de l'intestin. Cette étude, qui révèle l'impact de la géométrie tissulaire dans la maintenance de l'épithélium intestinal, a été publiée le 13 janvier 2017 dans la revue Nature Communications.

Figure: L'absence de la protéine d'adhérence cellulaire EpCAM chez les malades atteints de Dysplasie Epitheliale Intestinale perturbe la distribution des forces contractiles des cellules épithéliales. Cela engendre une expansion du pôle apical aux contacts tricellulaires et une désorganisation de la couche épithéliale. L'inhibition de la contractilité anormale restaure un épithélium proche de la normale.
© Delphine Delacour, Julie Salomon, Jérémy Magescas. Nature Publishing Group.

La Dysplasie Epitheliale Intestinale, encore appelée "Congenital Tufting Enteropathy" (CTE), est une maladie infantile rare de l'intestin pour laquelle aucun traitement n'est actuellement disponible. La pathologie se manifeste par une insuffisance intestinale et des diarrhées sévères, même en absence de prise alimentaire dès la naissance, qui conduisent très rapidement à la mort de l'enfant sans des soins palliatifs de nutrition parentérale quotidienne. 75% des enfants présentent des mutations perte-de-fonction du gène EPCAM codant une protéine d'adhérence cellulaire exprimée dans les épithéliums.

Le groupe de Delphine Delacour, au sein de l'équipe de Benoit Ladoux et René-Marc Mège à l'Institut Jacques Monod, a caractérisé l'épithélium des enfants atteints de CTE en utilisant des approches de biologie cellulaire et de biophysique. Pour comprendre les causes de l'apparition de la maladie, les chercheurs ont mis en place un système biomimétique de villosités synthétiques permettant de reproduire en culture la géométrie de l'épithélium intestinal. Ils ont démontré que la perte d'EpCAM provoque des pertes atypiques de la polarité épithéliale, ainsi qu'une profonde perturbation de l'organisation du tissu intestinal le long de la villosité. Ces anomalies cellulaires et tissulaires ont pour origine une activité inappropriée du réseau contractile d'actomyosine aux contacts tricellulaires.

Ces résultats révèlent que l'homéostasie du réseau d'actomyosine est cruciale pour le maintien de la polarité d'une cellule épithéliale individuelle, mais également d'une monocouche épithéliale lorsqu'elle doit faire face aux contraintes géométriques du tissu. L'utilisation de drogues contrecarrant la contractilité cellulaire aberrante, permet de restaurer un épithélium intestinal proche de la normale. Cette étude met en évidence une cible moléculaire intéressante qui permettra de développer à l'avenir des stratégies thérapeutiques pour ralentir la progression de la maladie et rétablir la fonction intestinale chez ces enfants.
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