Adrien - Mercredi 21 Juin 2017

Quand l'intime des aérosols se dévoile...

Encore mal compris, le rôle joué par les aérosols dans la formation des nuages constitue une des inconnues majeures de la modélisation climatique, les modèles actuels ne prenant en compte les aérosols qu'au travers d'une représentation simplifiée. Ainsi, il est souvent fait l'hypothèse que les propriétés d'une particule composée d'un mélange d'espèces peuvent être déduites des propriétés de particules constituées des corps purs correspondants. En modélisant, par les méthodes numériques de la dynamique moléculaire, des aérosols composés d'un mélange de molécules d'acides organiques, des chercheurs de l'Institut UTINAM (Université de Franche-Comté / CNRS) et leur collègue hongrois viennent d'apporter les premiers éléments tendant à prouver la véracité de cette hypothèse.


Évolution de la phase de l'aérosol en fonction de l'humidité et de la température.


D'une manière générale, le terme "aérosol" définit un ensemble de fines particules, solides ou liquides, constituées d'une substance chimique pure ou d'un mélange de substances chimiques en suspension dans un milieu gazeux. L'atmosphère de notre planète contient une très grande variété d'aérosols, d'origine naturelle (poussières désertiques, émissions volcaniques, aérosols marins...) ou provenant des activités humaines (combustion des carburants fossiles, émissions industrielles, transports...) dont l'impact sur la santé et le climat pose de nombreuses questions.

En particulier, les interactions et rétroactions entre aérosols, nuages, météorologie et évolutions climatiques à moyen et long termes sont complexes et mal comprises. Elles font donc l'objet de très nombreuses études dans le but de mieux caractériser les aérosols, comprendre leurs mécanismes d'évolution dans l'atmosphère et, par conséquent, quantifier plus finement leur influence sur le climat.

Une des questions fondamentales concerne plus spécifiquement le rôle joué par les aérosols dans la formation des nuages. En effet, en atmosphère humide, ces particules peuvent plus ou moins facilement capturer les molécules d'eau, conduisant à la formation de gouttelettes d'eau liquide ou de particules de glace en suspension, en fonction non seulement des conditions thermodynamiques (température, taux d'humidité) mais aussi des propriétés physico-chimiques de l'aérosol.

L'incorporation de ces phénomènes dans les modèles climatiques actuels nécessite une description aussi simple que possible des aérosols, qui la plupart du temps sont composés non pas d'un seul constituant chimique mais plutôt d'un mélange d'espèces. C'est pourquoi de nombreux modèles actuels reposent sur l'hypothèse que, pour une particule composée d'un mélange d'espèces, l'affinité vis-à-vis de l'eau peut être déduite des propriétés de particules constituées des corps purs correspondants.


En modélisant, par les méthodes numériques de la dynamique moléculaire, des aérosols composés d'un mélange de molécules d'acides organiques, des chercheurs de l'Institut UTINAM viennent, pour la première fois, d'apporter des éléments de preuve de cette hypothèse, à l'échelle moléculaire. En effet, les travaux à paraître dans la revue The Journal of Physical Chemistry C montrent que le comportement de nanoparticules composées de mélanges de molécules d'acide formique et d'acide acétique mises en contact avec différentes quantités de molécules d'eau représentant différents taux d'humidité, peut parfaitement se déduire du comportement analysé pour les nanoparticules composées des corps purs correspondants.

Ces travaux apportent par ailleurs des informations cruciales concernant le rôle de la température sur l'état des particules constituant l'aérosol. Ainsi, dans la plage de températures étudiées (typiquement entre 180 et 275 K), non seulement ces nanoparticles passent d'un comportement visqueux à un comportement liquide lorsque la température augmente mais, de plus, la répartition spatiale des molécules d'acide et des molécules d'eau dans les nanoparticules est fortement modifiée. Ainsi, alors qu'à très basse température les nanoparticules sont formées d'un coeur constitué de molécules d'acide agrégées les unes aux autres et recouvert de molécules d'eau, ce coeur est progressivement dissous lorsque la température augmente pour conduire à la formation, à plus haute température, d'une gouttelette d'eau à la surface de laquelle sont dispersées les molécules d'acide organique. En modifiant ainsi la composition de la surface de contact entre ces nanoparticules et l'atmosphère environnante, la température influence fortement la capacité des nanoparticules d'aérosols à piéger des molécules d'eau et, par conséquent, leurs propriétés hygroscopiques.

À terme, ces informations seront très précieuses pour améliorer les prévisions climatiques.
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