Adrien - Mercredi 23 Avril 2025

Des puces quantiques plus proches que jamais ⚡

Des scientifiques ont trouvé une nouvelle façon de fabriquer des matériaux qui pourraient faire beaucoup avancer les technologies quantiques.


Ces matériaux, très fins (on les appelle des "films minces"), sont faits d'un mélange à base d'oxyde d'yttrium avec un peu d'europium, deux "terres rares". Leur intérêt ? Ils peuvent stocker de l'information quantique pendant une durée suffisamment longue – environ une microseconde – ce qui est très prometteur pour créer des appareils quantiques à la fois petits et efficaces.

Mais de quoi parle-t-on exactement ?


Les technologies quantiques cherchent à utiliser certaines propriétés étonnantes de la matière pour améliorer la façon dont on stocke ou transmet de l'information, bien au-delà de ce que permettent les technologies classiques. L'un des grands enjeux, c'est de garder ces fameuses informations quantiques stables assez longtemps pour qu'on puisse les exploiter. Et pour cela, certains matériaux, notamment ceux contenant des ions d'europium, sont particulièrement intéressants.


Le hic, c'est qu'il faut réussir à intégrer ces matériaux dans des dispositifs très miniaturisés, compatibles avec les composants électroniques actuels, en particulier ceux faits de silicium (comme les puces de nos ordinateurs et téléphones). Pour y parvenir, les chercheurs doivent créer des couches très fines de matériau, mais de qualité irréprochable.

C'est là qu'intervient l'innovation de l'équipe de l'Institut de recherche de chimie de Paris (CNRS/Chimie ParisTech/PSL Université). Ils ont mis au point une nouvelle technique de fabrication en combinant deux méthodes sophistiquées: le chemical vapor deposition (ou dépôt chimique en phase vapeur, CVD) et le molecular beam epitaxy (ou épitaxie par jet moléculaire, MBE).


Film mince épitaxial Y2O3: Eu 3+ sur substrat Gd2O3 /Si.
(a) Vue schématique de la structure multicouche.
(b) Morphologie de surface du film Y2O3: Eu 3+ observée par microscopie électronique à balayage (MEB).

Grâce à cette approche hybride, ils ont réussi à déposer sur du silicium une couche d'oxyde d'yttrium contenant des ions europium Eu3+, avec des propriétés physiques et quantiques remarquables.

Un détail technique, mais important: pour obtenir ce résultat, ils ont ajouté entre le silicium et le matériau actif une fine couche d'oxyde de gadolinium (Gd2O3). Cette "couche tampon" améliore la qualité du film et favorise un meilleur comportement quantique.

Les tests réalisés à très basse température ont confirmé le potentiel de cette structure. Les chercheurs ont pu mesurer que les états quantiques de l'europium dans ce matériau duraient une microseconde, ce qui est dix fois mieux que les tentatives précédentes avec le même matériau, et parmi ce qui se fait de mieux actuellement dans le domaine. Pour simplifier, on envoie une impulsion lumineuse dans le matériau, elle est absorbée puis réémise, et on mesure combien de temps elle met à revenir. Ce temps donne une bonne idée de la "mémoire" quantique du matériau.


Ce résultat ouvre la porte à une nouvelle génération de petits dispositifs quantiques intégrés. Ils pourraient servir à stocker ou à transmettre de l'information sous forme de lumière, un peu comme des bits, mais version quantique: des qubits optiques.

Et ce n'est qu'un début: les chercheurs espèrent pouvoir appliquer leur méthode à d'autres terres rares, comme l'erbium, dont les propriétés sont encore mieux adaptées aux technologies des télécommunications.

Bref, une avancée qui rapproche un peu plus les technologies quantiques d'un usage concret et industriel. Une recherche à retrouver dans la revue Nanophotonics.
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL
sous le numéro de dossier 1037632
Informations légales