Michel - Mardi 9 Mai 2006

Produire de la matière noire sur Terre !

Jonathan Feng, professeur de physique à l'université de Californie d'Irvine, envisage la possibilité d'utiliser le LHC (Large Hadron Collider) du CERN afin de mieux comprendre la structure de notre univers. "Les collisionneurs sont des outils de choix pour les physiciens qui étudient les particules fondamentales, mais nous pouvons aussi nous en servir pour appréhender l'univers dans son ensemble", affirme le scientifique.


Feng propose d'utiliser le LHC pour produire de la matière noire afin d'étudier ses caractéristiques. "Tout ce que nous connaissons à son sujet provient d'études effectuées au moyen de télescopes" dit-il, "et tout ce que nous pouvons seulement affirmer c'est que les galaxies tournent trop rapidement si tout ce qui existe est constitué uniquement de ce que nous observons. S'il n'existait pas autre chose, elles seraient réduites en miettes. Voilà ce que nous savons de la matière noire: elle permet de conserver la cohérence de l'ensemble".


Le LHC pourrait permettre d'appronfondir nos connaissances dans ce domaine. Le collisionneur, actuellement en construction près de Genève, sera le plus grand instrument scientifique existant sur Terre (voir notre news). C'est un accélérateur de particules et un collisionneur de grandes dimensions (un tunnel circulaire de 27 kilomètres de circonférence) qui permettra aux scientifiques d'exécuter diverses expériences. Il devrait commencer à fonctionner en 2007. Feng estime que le LHC pourra permettre de produire de la matière noire, et de l'étudier. Dans son article publié dans les Physical Review Letters de 19 avril dernier, Feng indique qu'il est possible que la matière noire soit composée de particules très faiblement interactives appelées WIMP et superWIMP (voir notre news), et que le LHC sera l'outil adéquat pour les détecter.

WIMP et superWIMP


WIMP signifie weakly interacting massive particle (particule massive à faible interaction). Feng explique qu'une WIMP est "une particule dont on ne détecte la présence que parce qu'on s'aperçoit qu'il manque quelque chose". Le problème avec les WIMP est qu'il peut être difficile de les discerner des bruits de fond. Mais, selon Feng, il existe divers modes possibles de production des WIMP, et aux plus hauts niveaux, il est possible de détecter le signal par-dessus le bruit de fond.

D'un autre coté, il serait beaucoup plus facile d'observer des superWIMP produits dans le LHC. Une superWIMP est une particule qui interagit encore plus faiblement que les WIMP, mais qui le fait essentiellement par gravité. Aussi, les superWIMP produisent des signaux plus clairs. "On ne peut pas les voir directement", explique Feng, "seulement en tant que produit de désintégration. Ces particules sont en quelque sorte des électrons sous stéroïde". Le physicien indique que ces particules sont environ un million de fois plus massives qu'un électron. Comme les électrons, ces particules pourraient être étudiées en détail, et leur masse et leur charge mesurées. "Petit à petit nous pourrions commencer à acquérir des informations sur la matière noire".

Feng précise toutefois qu'actuellement ce ne sont que des théories. "Les expériences ne débuteront que dans environ dix-huit mois". En outre, les WIMP et les superWIMP ne sont que deux hypothèses parmi les centaines d'autres qu'ont les théoriciens sur la composition de la matière noire".

Néanmoins, Feng pense que les WIMP et les superWIMP sont les meilleures éventualités. Les deux appartiennent à des classes qui comprennent des douzaines de types différents de particules. De plus, des modèles informatiques ont montré qu'en terme de nombre de désintégrations de particules depuis le Big Bang, les WIMP sont en quantité nécessaire pour maintenir la cohérence de la structure de l'univers. Enfin, les théories qui incluent des dimensions spatiales supplémentaires prédisent ces WIMP et ces superWIMP.

"Nous adoptons une approche prudente", indique Feng, "et nous ne sommes pas plus optimistes que de raison". Mais il reconnaît que pouvoir produire de la matière noire ici sur Terre serait très utile pour déterminer les caractéristiques réelles de notre univers. Le LHC offrira cette chance.

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