Adrien - Lundi 24 Novembre 2025

💥 Première: des astronomes capturent l'explosion d'une étoile au moment où elle déforme sa surface

Observer l'Univers, c'est souvent contempler des phénomènes qui se sont produits il y a des millions d'années. Mais parfois, l'occasion se présente de capturer un événement cosmique presque en direct, comme si nous assistions en temps réel à la transformation d'une étoile. Cette possibilité rare s'est récemment matérialisée pour des astronomes qui ont pu observer un moment crucial dans la vie d'une étoile massive.

Grâce au Très Grand Télescope de l'Observatoire européen austral, une équipe internationale a pu saisir l'explosion d'une étoile au moment précis où celle-ci brisait sa surface. Cette observation, réalisée seulement 26 heures après la détection initiale de la supernova, représente une première dans l'histoire de l'astronomie. La rapidité d'intervention a été déterminante, car cette phase transitoire ne dure que quelques heures avant de devenir indétectable. L'étoile en question, située à environ 22 millions d'années-lumière dans la galaxie NGC 3621, offrait une opportunité exceptionnelle d'étudier les premiers instants d'une explosion stellaire.


Représentation artistique d'une étoile devenant supernova. La supernova SN 2024ggi a explosé dans la galaxie NGC 3621. Les observations ont révélé que l'explosion initiale adoptait une forme d'olive.
Crédit: ESO/L. Calçada


La découverte de cette supernova a déclenché une course contre la montre pour les astronomes. Yi Yang, professeur à l'Université Tsinghua, a soumis une proposition d'observation moins de douze heures après avoir été informé de l'événement. L'approbation rapide de l'ESO a permis de pointer le télescope vers la supernova naissante, capturant ainsi des données précieuses sur sa géométrie initiale. Cette réactivité exceptionnelle a été rendue possible par la collaboration internationale.

La technique utilisée pour cette observation, la spectropolarimétrie, a permis de révéler des détails invisibles autrement. Bien que l'étoile explosive apparaisse comme un simple point lumineux depuis la Terre, l'analyse de la polarisation de sa lumière a dévoilé sa forme tridimensionnelle. Cette méthode exploite le fait que la lumière émise par des objets non sphériques présente des caractéristiques de polarisation spécifiques qui trahissent leur géométrie.

Les données recueillies ont montré que l'explosion initiale présentait une forme étonnante d'olive, révélant une symétrie axiale bien définie. Cette configuration géométrique particulière suggère l'existence de mécanismes physiques communs régissant l'explosion des étoiles massives. Au fur et à mesure que l'explosion progresse et entre en collision avec la matière environnante, sa forme s'aplatit mais conserve son axe de symétrie originel, fournissant ainsi des indices précieux sur les processus internes.

Cette découverte permet aux astronomes d'affiner leurs modèles théoriques sur la fin de vie des étoiles massives. L'étoile à l'origine de SN 2024ggi était une supergéante rouge, environ douze à quinze fois plus massive que notre Soleil et cinq cents fois plus grande. La compréhension de ces explosions aide à mieux appréhender le cycle de vie stellaire et la manière dont les éléments lourds se dispersent dans l'espace pour former de nouvelles générations d'étoiles et de planètes.


Image montrant l'emplacement de la supernova SN 2024ggi dans la galaxie NGC 3621, prise 26 heures après sa détection initiale.
Crédit: ESO/Y. Yang et al.


La spectropolarimétrie: voir l'invisible



La spectropolarimétrie combine deux techniques d'analyse de la lumière pour révéler des informations que ni la spectroscopie ni la polarimétrie seules ne peuvent fournir. En étudiant comment la lumière est polarisée à différentes longueurs d'onde, les astronomes peuvent déterminer la forme et l'orientation d'objets cosmiques trop petits pour être résolus directement. Cette approche est particulièrement utile pour les supernovae, où les détails géométriques sont essentiels pour comprendre les mécanismes d'explosion.

La polarisation de la lumière se produit lorsque les ondes lumineuses vibrent préférentiellement dans une direction particulière. Dans le cas des étoiles sphériques, cette polarisation est généralement nulle car les vibrations s'annulent mutuellement dans toutes les directions. Cependant, lorsque l'objet émetteur n'est pas parfaitement symétrique, comme lors d'une explosion asymétrique, la lumière présente une polarisation nette qui trahit cette asymétrie.

L'instrument FORS2 du Très Grand Télescope est spécialement conçu pour ce type de mesures. Il peut détecter des variations infimes dans la polarisation de la lumière, permettant ainsi de reconstituer la forme tridimensionnelle d'objets situés à des millions d'années-lumière. Cette capacité unique a été déterminante pour révéler la forme d'olive de l'explosion de SN 2024ggi, démontrant la puissance de cette technique d'observation.

Les applications de la spectropolarimétrie s'étendent bien au-delà de l'étude des supernovae. Elle est utilisée pour analyser les disques d'accrétion autour des trous noirs, étudier l'atmosphère des exoplanètes et caractériser la poussière interstellaire. Chaque avancée technique ouvre de nouvelles fenêtres sur l'Univers, permettant aux astronomes de répondre à des questions fondamentales sur la nature des objets cosmiques.

La vie et la mort des étoiles massives



Les étoiles massives, celles qui possèdent au moins huit fois la masse de notre Soleil, connaissent une existence brève mais spectaculaire. Leur grande masse génère une pression et une température si élevées en leur cœur qu'elles brûlent leur combustible nucléaire à un rythme accéléré. Alors que notre Soleil vivra environ dix milliards d'années, une étoile de vingt masses solaires peut épuiser ses réserves en seulement quelques millions d'années, menant à une fin violente.

La phase finale commence lorsque le cœur de l'étoile épuise son hydrogène, puis son hélium, fusionnant des éléments de plus en plus lourds jusqu'au fer. Le fer représente un point de non-retour car sa fusion consomme de l'énergie au lieu d'en produire. Privé de sa source d'énergie interne, le cœur s'effondre sous son propre poids dans une durée de l'ordre de la seconde, créant une onde de choc qui propulse les couches externes de l'étoile dans l'espace.

Cet effondrement et cette explosion libèrent une énergie colossale, surpassant temporairement la luminosité de toute une galaxie. Les éléments lourds synthétisés durant la vie de l'étoile sont dispersés dans le milieu interstellaire, enrichissant le gaz à partir duquel se formeront de nouvelles étoiles et planètes. Sans ces explosions, l'Univers serait dépourvu d'éléments comme l'oxygène, le carbone ou le fer essentiels à la vie.

Le résidu de l'explosion dépend de la masse initiale de l'étoile. Pour les étoiles de huit à vingt masses solaires, il reste généralement une étoile à neutrons, tandis que les étoiles plus massives peuvent former des trous noirs. Chaque supernova représente ainsi non seulement une fin, mais aussi le commencement de nouveaux cycles cosmiques, participant au recyclage permanent de la matière dans l'Univers.
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