Les éoliennes, symboles de l'énergie renouvelable, cachent une tragédie pour les chauves-souris. Chaque année, des centaines de milliers de ces mammifères volants meurent en percutant les pales, un phénomène qui intrigue les scientifiques depuis des années. Une nouvelle piste émerge: et si la lumière réfléchie par les turbines attirait ces animaux nocturnes vers leur perte ?
Pour explorer cette hypothèse, une équipe de chercheurs a conçu une expérience ingénieuse. Ils ont utilisé un labyrinthe en forme de Y, mesurant 2,35 mètres de haut, dans lequel des chauves-souris devaient choisir entre deux sorties. D'un côté, une pale d'éolienne blanche réfléchissant une lumière artificielle imitant la lune, et de l'autre, une pale noire moins réfléchissante ou une sortie libre. L'objectif était de simuler les conditions crépusculaires où les collisions sont fréquentes.
Les résultats sont frappants: les chauves-souris se sont dirigées deux fois plus vers la pale blanche que vers la noire. Lorsque l'alternative était une sortie non obstruée, près des trois quarts des chauves-souris cendrées et presque toutes les chauves-souris argentées ont préféré la pale éclairée. Cela suggère que la réflexion lumineuse agit comme un leurre visuel, perturbant leur système de navigation naturel.
Les chauves-souris utilisent le ciel ouvert pour s'orienter, et les surfaces réfléchissantes des éoliennes pourraient mimer une voie de fuite. Kristin Jonasson, écologiste physiologiste, explique que cela trompe leur perception, les conduisant à foncer droit vers le danger. Cette étude, bien que préliminaire, ouvre des perspectives pour concevoir des turbines moins attractives, peut-être en modifiant leur couleur ou leur texture.
Cependant, des limites existent: l'expérience n'a concerné que deux espèces et s'est déroulée en laboratoire, loin des conditions réelles des parcs éoliens. D'autres facteurs, comme les turbulences ou le bruit, pourraient aussi jouer un rôle.
Appareil expérimental en Y utilisé pour tester les préférences d'orientation des chauves-souris face à des surfaces d'éoliennes de différentes réflectances.
Crédit: Biology Letters
Cette recherche, publiée dans
Biology Letters, met en lumière un polluant sensoriel méconnu: la lumière réfléchie. Elle appelle à des études complémentaires pour valider ces observations sur le terrain et développer des solutions pratiques, telles que des pales moins réfléchissantes ou des systèmes d'effarouchement, afin de réduire l'impact mortel sur les populations de chauves-souris.