Adrien - Mardi 18 Avril 2017

Pollen: poussières de vie, poussières de mort ?


Photo: Muhammad Mahdi Karim
Les abeilles transportent le pollen sous forme de pelote sur leurs pattes arrière. Les chercheurs ont découvert que 20% du pollen de maïs ainsi rapporté à la ruche contient des traces de néonicotinoïdes. L'exposition prolongée à des doses sous-létales de ces insecticides affecte les comportements et le système immunitaire des abeilles.
Les néonicotinoïdes contenus dans les grains de pollen augmentent la mortalité et le parasitisme dans les colonies d'abeilles

Les insecticides de la famille des néonicotinoïdes qui se retrouvent dans le pollen du maïs font la vie dure aux abeilles, démontrent des chercheurs de l'Institut de biologie intégrative et des systèmes (IBIS). L'étude publiée par ces chercheurs dans un récent numéro du Journal of Applied Entomology révèle que les colonies installées à proximité de champs de maïs contenant des néonicotinoïdes ont un taux de mortalité deux fois plus élevé que les colonies placées près de champs qui en sont exempts. Elles sont également plus durement frappées par Varroa destructor, un acarien qui s'attaque aux larves et aux adultes et qui est soupçonné de participer au déclin mondial des colonies d'abeilles.


Les chercheurs arrivent à ce constat après avoir étudié 11 ruches installées à proximité de champs où avaient été semées des graines de maïs enrobées de néonicotinoïdes. "À mesure que la plante croît, l'insecticide qui enrobe la graine se retrouve dans toutes les parties vascularisées de la plante, notamment dans les fleurs, explique le responsable de l'étude, Nicolas Derome, professeur au Département de biologie. Nous avons voulu déterminer à quel point l'exposition au pollen de maïs produit à partir de graines enrobées de néonicotinoïdes affectait les abeilles." Aux fins de comparaison, les chercheurs avaient aussi placé 11 ruches près de champs de maïs sans néonicotinoïdes.

Les données recueillies à différents moments de l'été 2013 montrent qu'au plus fort de la floraison, le maïs compose jusqu'à 14% du pollen récolté par les abeilles. De plus, les analyses chimiques indiquent que 20% du pollen de maïs rapporté à la ruche contient des traces de néonicotinoïdes. "Les concentrations que nous avons mesurées ne sont pas suffisantes pour tuer instantanément les abeilles, mais l'exposition prolongée à des doses sous-létales a des effets pervers sur leurs comportements et leur système immunitaire", précise le professeur Derome. Les chercheurs ont aussi noté que l'intensité du parasitisme par le varroa était deux fois plus élevée dans les colonies établies près des champs avec néonicotinoïdes.

Au terme d'un suivi de deux ans, le taux de mortalité dans les colonies installées près des champs avec néonicotinoïdes a atteint 28%, contre 15% dans les colonies témoins. "À la lumière de nos résultats, il faudrait éviter d'installer des colonies d'abeilles à proximité de champs de maïs produits à partir de graines enrobées de néonicotinoïdes, en particulier pendant la période de floraison du maïs", recommande Nicolas Derome. Le chercheur est bien conscient qu'il s'agit là d'une recommandation difficile à suivre dans le sud du Québec, où la culture du maïs est omniprésente. "Environ 95% des semences de maïs vendues au Québec sont enrobées de néonicotinoïdes. Comme les abeilles récoltent du pollen dans un rayon de 5 km autour de la colonie, il est pratiquement impossible qu'elles ne soient pas exposées à ces insecticides. La seule véritable solution au problème serait d'interdire l'usage des néonicotinoïdes."


La famille des néonicotinoïdes compte une dizaine de produits qui accaparent environ 25% du marché mondial des insecticides. Leur toxicité élevée, leur faible biodégradabilité et leur dispersion dans l'environnement ont conduit plusieurs pays à remettre en question leur utilisation, notamment en Europe où plusieurs néonicotinoïdes sont interdits depuis 2013. Plus près de nous, Santé Canada a entrepris une révision de la réglementation sur ces produits. Une évaluation des risques qu'ils posent pour les pollinisateurs devrait être complétée au cours des prochains mois.

L'étude parue dans le Journal of Applied Entomology est signée par Mohamed Alburaki, Bachar Cheaib, Louise Quesnel, Pierre-Luc Mercier et Nicolas Derome, de l'IBIS, et Madeleine Chagnon, de l'UQAM.
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL
sous le numéro de dossier 1037632
Informations légales