Michel - Jeudi 29 Novembre 2012

Le plus grand souffle de trou noir jamais découvert

Des astronomes utilisant le Très Grand Télescope (VLT) de l'ESO ont découvert un quasar émettant un flux d'énergie considérable, au moins cinq fois supérieur au flux du quasar le plus puissant observé jusqu'à présent. Les quasars constituent des centres galactiques extrêmement brillants alimentés par des trous noirs supermassifs. De nombreux jets propulsent d'énormes quantités de matière à l'intérieur de leurs galaxies hôtes, et ces flux de matière jouent un rôle prépondérant dans l'évolution des galaxies. Toutefois, jusqu'à présent, les jets des quasars observés n'étaient pas aussi puissants que le prévoyaient les théoriciens.


Cette vue d'artiste montre la matière éjectée de la région qui entoure le trou noir supermassif du quasar SDSS J1106+1939. Cet objet est caractérisé par les jets les plus énergétiques jamais vus, au moins cinq fois plus puissants que tout jet observé à ce jour. Les quasars sont des centres galactiques extrêmement brillants alimentés par des trous noirs supermassifs. De nombreux jets propulsent de grandes quantités de matière à l'intérieur de leurs galaxies hôtes, et ces flux de matière jouent un rôle prépondérant dans l'évolution des galaxies. Mais, avant que cet objet ne soit étudié, les jets observés n'étaient pas aussi puissants que ceux prédits par les théoriciens. Le quasar très lumineux apparaît au centre de l'image et le jet s'étend à environ 1000 années-lumière de la galaxie environnante. Crédit: ESO/L. Calçada
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Les quasars constituent les centres extrêmement lumineux de galaxies distantes qui sont alimentés par d'énormes trous noirs. Cette nouvelle étude très détaillée a porté sur l'un de ces objets énergétiques - connu sous l'appellation SDSS J1106+1939 - en utilisant l'instrument X-shooter installé sur le Très Grand Télescope (VLT) de l'ESO à l'Observatoire de Paranal au Chili (1). Bien que les trous noirs soient connus pour absorber la matière, la plupart des quasars accélère également la matière environnante et l'éjecte à grande vitesse.

"Nous avons découvert le jet de quasar le plus énergétique connu à ce jour. La vitesse à laquelle l'énergie est emportée par cette énorme masse de matière éjectée à grande vitesse de SDSS J1106+1939 est au moins équivalente à deux millions de millions de fois la puissance du Soleil. C'est également 100 fois supérieur environ à la puissance d'éjection totale de la Voie Lactée - c'est un vrai monstre d'éjection", explique le responsable d'équipe, Nahum Arav (Virigina Tech, USA). "C'est la première fois que le jet mesuré d'un quasar atteint ce niveau de hautes énergies prévu par la théorie."

De nombreuses simulations théoriques suggèrent que l'impact de ces jets sur les galaxies environnantes pourrait résoudre certaines énigmes de la cosmologie moderne, parmi lesquelles: comment la masse d'une galaxie est-elle liée à la masse de son trou noir central ? Pourquoi existe-t-il si peu de grandes galaxies dans l'univers ? Toutefois, la question de savoir si oui ou non les quasars ont été capables de produire des jets suffisamment puissants pour expliquer ces phénomènes est demeurée sans réponse jusqu'à présent (2).

Le jet nouvellement découvert se situe à environ mille années-lumière du trou noir supermassif qui occupe le centre du quasar SDSS J1106+1939. Ce jet est au moins cinq fois plus puissant que celui issu du quasar détenteur du précédent record (3). L'analyse de l'équipe montre qu'une masse approximativement égale à 400 fois la masse du Soleil s'échappe du quasar chaque année, se déplaçant à une vitesse de 8000 kilomètres par seconde.

"Nous n'aurions pu faire cette découverte si nous n'avions disposé des données de grande qualité fournies par le spectrographe X-shooter du VLT" souligne Benoît Borguet (Virginia Tech, USA), auteur principal de l'article. "Pour la première fois, nous avons pu explorer dans le détail la région située autour du quasar".

L'équipe a également observé un autre quasar que SDSS J1106+1939 et trouvé que l'un et l'autre sont caractérisés par d'intenses jets. Il s'agit là d'exemples typiques d'une catégorie répandue de quasars, bien que peu étudiée auparavant (4). Ces résultats devraient donc être largement appliqués aux quasars lumineux qui parsèment l'Univers. Borguet et ses collègues explorent à présent une douzaine de quasars similaires afin de confirmer la validité de ces résultats.

"J'ai cherché quelque chose de semblable pendant une dizaine d'années", nous dit Nahum Arav, "il est donc d'autant plus palpitant de trouver enfin l'un de ces monstrueux jets prédits par la théorie !" 


Notes:

(1) L'équipe a observé SDSS J1106+1939 et J1512+1119 en avril 2011 et mars 2012 en utilisant le spectrographe X-shooter installé sur le Très Grand Télescope (VLT) de l'ESO. En décomposant la lumière en ses différentes couleurs et en étudiant en détail le spectre résultant, les astronomes ont pu déduire la vitesse et d'autres propriétés de la matière située à proximité du quasar.

(2) Le puissant jet observé dans SDSS J1106+1939 transporte suffisamment d'énergie cinétique pour jouer un rôle essentiel dans les processus de "feedback" des galaxies actives, qui requièrent typiquement un apport d'énergie mécanique correspondant à environ 5% de la luminosité du quasar. La vitesse à laquelle l'énergie cinétique est transférée par le jet correspond à sa luminosité cinétique.

(3) SDSS J1106+1939 est caractérisé par un jet dont la luminosité cinétique est d'au moins 1046 ergs s?1. La distance séparant les jets du quasar central (300 - 8000 années-lumière) était supérieure à la valeur attendue, ce qui suggère que nous observons les jets à grande distance de la région dans laquelle nous pensons qu'ils ont été pour la première fois accélérés (0,03 - 0,4 année-lumière).

(4) Une catégorie de quasars à large bande d'absorption (appelés BAL).
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