Adrien - Mardi 13 Octobre 2015

Plombé par la chasse


Près de 40% des échantillons de cerf fournis par les chasseurs contenaient une concentration de plomb supérieure à la norme européenne pour la viande d'animaux d'élevage.
La consommation de cervidés abattus avec des munitions contenant du plomb peut augmenter l'exposition alimentaire à ce contaminant et accroître les risques qui y sont associés. Pour cette raison, les jeunes enfants et les femmes enceintes devraient s'abstenir d'en consommer et le reste de la population ne devrait pas mettre de la venaison au menu plus d'une fois par semaine si celle-ci risque de contenir du plomb. Voilà les recommandations auxquelles arrive une équipe de chercheurs de la Faculté de médecine, de l'Institut national de santé publique du Québec et du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs après avoir analysé en détail les risques posés par cette source de plomb.


Depuis que le plomb a été éliminé de l'essence et de la peinture, l'alimentation est la principale source d'exposition à ce métal au Canada. Il n'existe pas de norme canadienne régissant la présence de plomb dans la viande. En Europe, par contre, la viande des animaux d'élevage ne doit pas en contenir plus de 0,1 mg/kg, en raison notamment de ses effets neurotoxiques et cytotoxiques. La consommation de viande provenant de cervidés abattus à l'aide de munitions contenant du plomb pose donc un risque théorique pour la santé, mais son importance n'avait pas encore été clairement établie.

Pour mieux documenter ce risque, les chercheurs ont obtenu le concours de 333 chasseurs québécois qui ont répondu à un questionnaire portant sur leur consommation de cerf et d'orignal. De plus, une soixantaine de chasseurs ont accepté de fournir des échantillons de viande de cerf ou d'orignal entreposée dans le congélateur de leur résidence. Les analyses des chercheurs, publiées dans un récent numéro de la revue Food Additives & Contaminants: Part A, révèlent la présence de plomb dans 90% des échantillons de cerfs et dans 70% des échantillons d'orignaux abattus avec des munitions contenant ce métal. Les concentrations mesurées dépassaient la norme européenne dans 37% des cas pour le cerf et dans 13% des cas pour l'orignal.

Soixante-et-onze pour cent des chasseurs qui ont participé à l'étude estimaient que la consommation de venaison de cervidés abattus avec des munitions au plomb était sécuritaire, surtout si l'on prend soin d'enlever la viande endommagée par la balle. "Le problème est qu'on peut retrouver des fragments de plomb dans un rayon de 30 cm autour du canal laissé par le passage du projectile, signale le premier auteur de l'étude, Richard Fachehoun. Ça peut même être davantage si le projectile frappe un os. Sur un chevreuil, ça veut dire qu'il faudrait enlever une bonne partie de l'animal pour éliminer tout risque d'ingérer des fragments de plomb."


À l'aide des données sur les concentrations de plomb mesurées dans la venaison, les chercheurs ont estimé le niveau d'ingestion de ce métal selon différents scénarios de fréquence de consommation. Les doses ingérées n'atteignent pas des niveaux très élevés, reconnaît le chercheur, "mais le consensus scientifique actuel est qu'il n'existe pas de seuil d'exposition sécuritaire au plomb", ajoute-t-il du même souffle. Pour cette raison, les personnes vulnérables comme les enfants de moins de six ans, les femmes enceintes et les femmes qui projettent d'avoir un enfant ne devraient pas consommer de venaison qui pourrait contenir du plomb. Quant aux autres adultes, ils devraient limiter leur consommation à un repas de cervidé par semaine si la présence de plomb est possible.

Pour réduire davantage les risques, il faudrait sensibiliser les chasseurs et les bouchers qui dépècent des cervidés sauvages à l'importance d'éliminer la viande dans un rayon d'au moins 10 cm autour du canal laissé par le projectile, ajoute Richard Fachehoun. "La solution ultime demeure toutefois le retrait des munitions contenant du plomb et leur remplacement par des munitions au cuivre ou par des armes comme les arbalètes."

L'étude a été réalisée par Richard Fachehoun, Benoit Lévesque, Pierre Dumas, Antoine St-Louis, Marjolaine Dubé et Pierre Ayotte.
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