Quelle surprise de découvrir une planète qui évoque instantanément l'univers de Star Wars ! Au lieu d'un seul soleil, elle tourne autour de deux étoiles jumelles, et ce, à une distance jamais observée auparavant. Cette configuration rappelle le ciel de Tatooine, où Luke Skywalker commence son aventure, mais elle est bien réelle et située à 446 années-lumière de la Terre.
Nommée HD 143811 AB b, cette exoplanète se trouve six fois plus près de ses astres parents que toute autre planète directement imagée dans un système binaire. Son année dure toutefois 300 fois plus longtemps que sur Terre. Les astronomes ont identifié cet objet grâce à des techniques avancées d'observation, ouvrant une fenêtre sur des systèmes planétaires peu communs.
Vue d'artiste d'une planète orbitant autour de deux étoiles - image NASA
Les systèmes planétaires autour d'étoiles doubles sont extrêmement rares. D'après Jason Wang de l'Université Northwestern, cité dans une déclaration, sur les 6000 exoplanètes connues, seule une petite fraction orbite autour de binaires. La possibilité d'observer simultanément les orbites de l'étoile et de la planète offre une opportunité unique d'étude, permettant de tracer leurs mouvements dans le ciel. Par conséquent, cette rareté rend HD 143811 AB b particulièrement précieuse pour comprendre la dynamique des systèmes multiples.
L'identification de cette planète provient de données anciennes, collectées il y a presque dix ans par le télescope Gemini Sud et son instrument Gemini Planet Imager. Les chercheurs ont réexaminé ces archives avant la mise à niveau de l'appareil, sans s'attendre à une telle trouvaille. Nathalie Jones du CIERA a croisé ces informations avec des données de l'observatoire W.M. Keck, révélant un objet faible qui suivait le mouvement d'une étoile.
Avec une taille environ six fois supérieure à celle de Jupiter, cette planète est imposante. Son âge est estimé à 13 millions d'années, ce qui est relativement jeune à l'échelle cosmique. Elle conserve encore ainsi une partie de la chaleur issue de sa formation, comme l'a indiqué Jason Wang.
Malgré sa jeunesse, elle est déjà bien établie dans son environnement stellaire, offrant des indices sur les premières phases de l'évolution planétaire. Les étoiles jumelles sont elles-mêmes très proches, accomplissant une orbite mutuelle en seulement 18 jours terrestres.
Une image en accéléré de l'exoplanète HD 143811 AB b orbitant autour de ses étoiles parentes.
Crédit: Jason Wang/Université Northwestern
La façon dont HD 143811 AB b s'est formée reste incertaine, car peu de planètes similaires sont connues. Nathalie Jones du CIERA prévoit de demander plus de temps de télescope pour suivre son orbite et celle des étoiles, afin de mieux comprendre leurs interactions. Les scientifiques espèrent que des observations futures, notamment avec l'instrument GPI 2.0, permettront d'éclaircir ce processus et de découvrir d'autres objets dans les archives.
Cette découverte, publiée dans
The Astrophysical Journal Letters, motive les chercheurs à poursuivre l'exploration des données archivées, où d'autres objets pourraient se cacher.
L'imagerie directe des exoplanètes
L'imagerie directe des exoplanètes est une technique qui permet de capturer des images de planètes en dehors de notre Système solaire. Contrairement aux méthodes indirectes, elle nécessite de bloquer la lumière éblouissante des étoiles parentes, souvent grâce à un coronographe. Cet instrument agit comme un éclipse artificielle, masquant la partie centrale de l'étoile pour révéler les objets faibles à proximité.
Pour améliorer la qualité des images, les astronomes utilisent également l'optique adaptative. Cette technologie corrige en temps réel les perturbations atmosphériques qui brouillent la vue, offrant des clichés plus nets. L'instrument Gemini Planet Imager, employé pour découvrir HD 143811 AB b, combine ces deux approches, permettant d'isoler des planètes.
Cette méthode est particulièrement utile pour étudier les planètes géantes et jeunes, qui émettent encore de la chaleur résiduelle. Elle permet de mesurer directement leur taille, leur luminosité et leur mouvement orbital. Cependant, elle reste difficile à mettre en œuvre en raison de la rareté des cibles et des limites technologiques actuelles.
Le développement d'instruments comme GPI 2.0 promet d'élargir ces capacités. En améliorant la sensibilité et la résolution, les scientifiques espèrent imager davantage d'exoplanètes, y compris dans des systèmes binaires aux interactions multiples, pour mieux comprendre la diversité des mondes extrasolaires.
La formation planétaire dans les systèmes binaires
La formation des planètes dans les systèmes d'étoiles binaires présente des caractéristiques uniques. Dans ces configurations, deux étoiles orbitent l'une autour de l'autre, créant un environnement gravitationnel instable. Les disques de poussière et de gaz, à partir desquels les planètes se forment, peuvent être perturbés par les forces de marée, rendant l'accrétion plus difficile.
Les théories actuelles proposent que les planètes peuvent se former à une distance sûre des étoiles, où les interactions sont moins intenses. Mais elle peuvent ensuite se retrouver sur une autre orbite après un déplacement par des mécanismes comme la migration planétaire. La découverte de HD 143811 AB b, à la fois jeune et très proche de ses étoiles jumelles, remet en question ces modèles et invite à reconsidérer les processus en jeu.
Les observations de tels systèmes permettent d'étudier comment les orbites des planètes évoluent sous l'influence de deux corps massifs. Les données recueillies aident à tester des simulations numériques qui reproduisent la dynamique des systèmes binaires, en tenant compte de facteurs comme la séparation stellaire et l'âge des composants.
Comprendre ces formations éclaire également la fréquence des planètes habitables dans la galaxie. Les systèmes binaires étant courants, leurs propriétés influencent la probabilité de vie ailleurs, faisant de chaque découverte une pièce importante du puzzle cosmique.