La fin des années 1990 a été marquée par la mise au jour des premières planètes en orbite autour d'étoiles autres que le Soleil. Arnaud Cassan, maître de conférences à l'UPMC et chercheur à l'Institut d'astrophysique de Paris (UPMC/CNRS), recherche de nouveaux systèmes planétaires dans la Voie Lactée. Pour ce faire, il utilise une méthode d'observation des exoplanètes fondée sur l'effet de microlentille gravitationnelle. Il présente ses activités de recherche et d'enseignement en physique, astronomie et astrophysique à Jussieu et à l'IAP.
Pourquoi la quête du "Graal intersidéral" fait-elle l'objet d'un engouement aussi fort ?
Arnaud Cassan. L'interrogation sur la présence d'autres mondes ne date pas d'hier. La question déjà âprement débattue dans l'Antiquité, a longtemps hanté les pensées de Giordano Bruno puis celles de Galilée, pour toucher le commun des mortels à la fin du XIXe siècle, avec notamment Camille Flammarion qui se posait la question de la pluralité des mondes habités.
Les prémisses d'existence de planètes au-delà des limites de notre système solaire sont apparues dans les années 1980, avec l'observation dans les longueurs d'ondes infrarouges de disques de poussière autour de certaines étoiles.
À quoi servent l'identification et le recensement des exoplanètes ?
A. C. La détection d'exoplanètes ne vise pas uniquement à produire de belles images. Si l'on recueille la lumière émise par la planète, il devient par exemple possible de l'analyser par spectrométrie et d'en déduire la composition chimique de son atmosphère. On peut également y rechercher des indicateurs de présence d'eau, d'oxygène et de gaz carbonique, possibles indicateurs d'une forme de vie.
Quelles sont les méthodes de détection à l'?œuvre aujourd'hui ?
A. C. La détection des planètes extrasolaires posent de nombreux défis techniques. Les planètes sont, au contraire des étoiles, des objets faiblement lumineux car elles ne tirent pas d'énergie de la fusion de l'hydrogène en hélium. L'observation télescopique directe des exoplanètes est donc rendue très difficile par cette faible luminosité associée à la proximité de leur étoile brillante. C'est un peu comme si on essayait de distinguer une luciole dans la lumière d'un réverbère à des milliers de kilomètres de distance !
Ainsi, la quasi-totalité des exoplanètes connues à ce jour a-t-elle été détectée de manière indirecte, c'est-à-dire par l'observation des perturbations qu'elles induisent sur le mouvement ou la luminosité de leurs étoiles. Plusieurs techniques observationnelles se sont très rapidement développées pour explorer ce nouveau champ de recherche: vélocimétrie radiale, transits, microlentilles gravitationnelles, imagerie directe, astrométrie, chronométrage de pulsars...
Une planète par étoile. Vue d'artiste représentant des planètes en orbite
autour d'étoiles dans la Voie Lactée. © ESO/M. Kornmesser
OGLE 2005-BLG-390Lb... Pouvez-vous traduire ?
A. C. Mes premiers travaux ont porté sur l'étude des modèles de microlentille et le développement d'un code de modélisation original, pierre angulaire de l'interprétation de courbes de lumière souvent très complexes. J'ai également effectué de nombreuses campagnes d'observations intensives (Chili, Afrique du Sud, Tasmanie), totalisant ainsi plus d'une centaine de nuits d'observations. En 2005, nous avons réalisé la détection de la toute première super-Terre glacée, OGLE 2005-BLG-390Lb. Depuis, près d'une quarantaine planètes ont été découvertes par effet de microlentille.
Dans un article publié il y a quelques mois dans la revue Nature, vous avez établi qu'il existerait une planète au moins par étoile ?
A. C. Grâce à une étude statistique basée sur 6 années d'observations de microlentilles entre 2002 et 2007, nous avons en effet estimé qu'environ un sixième des étoiles de notre Galaxie seraient accompagnées d'un Jupiter, que la moitié d'entre elles seraient accompagnées d'une planète comme Neptune, et qu'environ deux tiers d'entre elles abriteraient une super-Terre. En moyenne, il existerait ainsi dans notre Voie Lactée au moins une planète par étoile. Les planètes sont donc la règle, plutôt que l'exception.
Votre activité d'enseignement sur les sites de l'UPMC et de l'IAP vous permet de transmettre aux étudiants votre expertise et vos connaissances
A. C. Pour l'année universitaire 2013-2014, j'interviens en Licence 1, Licence 3 et dans deux Master 2 Recherche (M2 "Astronomie, Astrophysique et Ingénierie Spatiale", et M2 Parcours "Planétologie d'Île-de-France"). Dans ces deux derniers cours, je rentre dans le détail des principaux mécanismes physiques qui président à la formation des systèmes planétaires, et je décris comment fonctionnent les principales techniques observationnelles qui permettent de détecter ces planètes en dehors de notre Système solaire. En plus de diffuser ces grands principes, les cours sont nécessairement ancrés dans l'actualité riche des découvertes, qui rend ces enseignements particulièrement vivants.