Adrien - Lundi 8 Février 2016

Les phages aident à lutter contre la résistance des bactéries

Face à la recrudescence des phénomènes de résistance bactérienne aux antibiotiques, des scientifiques étudient depuis plusieurs années la possibilité de leur substituer des phages. Administrés en complément des antibiotiques, ces virus bactériens permettent par ailleurs d'augmenter l'efficacité de ces traitements tout en limitant la résistance des bactéries. Dans un article publié récemment dans Trends in Microbioloy, deux chercheurs de l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier (ISEM, CNRS / IRD /Université de Montpellier / EPHE) ont passé en revue plusieurs études scientifiques sur le sujet dans le but d'analyser les bases évolutives de ces thérapeutiques combinées. Leurs travaux ont notamment permis d'identifier les pistes à privilégier pour qu'une thérapie associant phages et antibiotiques puisse être opérationnelle.


Mécanismes de synergie entre les antibiotiques et les phages
© Trends in Microbiology


Alors que les antibiotiques ont permis de faire reculer très nettement la mortalité due aux infections bactériennes, leur utilisation massive et répétée rend de plus en plus de bactéries résistantes à ces traitements. En Europe, 25.000 personnes décèderaient ainsi chaque année à cause d'infections bactériennes qui n'ont pu être traitées faute d'antibiotique efficace. Basée sur l'utilisation de virus bactériens, la phagothérapie constitue une alternative prometteuse aux traitements antibiotiques classiques.

Un nombre croissant d'études scientifiques suggèrent que l'association de phages et d'antibiotiques aide à lutter plus efficacement contre les bactéries pathogènes tout en limitant les phénomènes de résistance. Pour mieux cerner les fondements de cette efficacité accrue, deux chercheurs de l'ISEM ont passé en revue plusieurs travaux portant sur ces thérapeutiques combinées. "En réexaminant attentivement une dizaine d'études couronnées de succès, nous voulions analyser la réussite de ces traitements thérapeutiques combinés du point de vue de leur mécanismes évolutifs ", rappelle Clara Torres-Barceló, chercheuse en biologie évolutive à l'ISEM et co-auteure de l'article.

Les scientifiques ont tout d'abord constaté que l'association de phages et d'antibiotiques réduit davantage la densité de la population bactérienne cible qu'un unique traitement antibiotique, ce qui permet de diminuer de manière plus importante le niveau d'agressivité d'une bactérie pathogène. L'étude tend également à démontrer que la combinaison des deux agents antimicrobiens permet de combattre un plus large éventail de microorganismes visés par le traitement. "Lorsqu'ils sont dirigés contre des bactéries dont la virulence a été préalablement amoindrie par un antibiotique, les phages sont bien plus performants que lorsqu'ils sont apportés en même temps que l'antibiotique ", précise Clara Torres-Barceló.


L'alliance des phages aux antibiotiques limite enfin les phénomènes de résistance bactérienne du fait de leur mode d'action très différent. Quand les premiers détruisent les bactéries en se répliquant massivement à l'intérieur du microorganisme, les seconds bloquent certains mécanismes impliqués dans la multiplication cellulaire comme la synthèse de la paroi bactérienne. Le risque qu'une bactérie pathogène parvienne à développe une résistance simultanée à ces deux stratégies d'attaque est ainsi beaucoup plus faible. "Parce qu'elle associe un traitement antibiotique largement utilisé à une nouvelle forme de traitement qui reste encore à explorer, une thérapie combinant antibiotiques et phages aurait l'avantage d'ouvrir plus rapidement la voie à la phagothérapie ", conclut la chercheuse de l'ISEM.
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