Michel - Mercredi 3 Août 2011

Les petites éruptions volcaniques refroidissent le climat

Malgré l'absence d'éruptions volcaniques majeures, les fréquentes mais faibles éruptions volcaniques qu'a connues notre planète au cours des dix dernières années ont injecté dans la stratosphère une quantité d'aérosols suffisante pour réduire temporairement mais de manière significative le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre. C'est ce que révèlent deux études franco-américaines récentes, auxquelles des chercheurs du Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (LATMOS/IPSL, UVSQ / CNRS / Université Paris 6) ont participé. La prise en compte de la quantité moyenne d'aérosols stratosphériques s'avère de ce fait importante pour la simulation du climat à l'échelle décennale.

Comprendre les changements climatiques sur des échelles temporelles allant du mois au siècle nécessite de tenir compte de tous les forçages externes s'exerçant sur l'atmosphère (gaz à effet de serre, aérosols, cycle solaire...). Les énormes quantités de données obtenues durant la dernière décennie grâce aux nombreuses observations satellite et au sol permettent aujourd'hui d'examiner précisément tous ces forçages et ainsi de tester plus efficacement les modèles numériques du climat.


Source d'aérosols dans la stratosphère et leur effet refroidissant sur le climat. © Kristina Ruhlman/NASA
Parmi ces forçages, les aérosols produits en quantités colossales dans la stratosphère (partie haute de l'atmosphère) par les éruptions volcaniques majeures, telles que celles des volcans Tambora en 1815 ou du Mont Pinatubo en 1991, sont connus pour réfléchir efficacement le rayonnement solaire vers l'espace et donc pour refroidir de façon significative l'atmosphère au niveau du sol. Ces aérosols sont composés principalement de gouttelettes d'acide sulfurique provenant de l'oxydation du dioxyde de soufre expulsé par ces volcans.


Or, une augmentation lente de leur concentration durant la dernière décennie a été mise en évidence par une étude publiée en 2009 et réalisée à partir de mesures au sol. Cependant, aucune éruption volcanique majeure ne s'étant produite durant cette période, les auteurs avaient alors attribué cette augmentation aux émissions de soufre par les mines de charbon chinoises (1).

Pour déterminer précisément l'origine et estimer l'ampleur de cette augmentation des aérosols stratosphériques au cours de la dernière décennie, des équipes de chercheurs (2) ont analysé les séries de données de concentrations d'aérosols acquises par plusieurs missions spatiales (3). Ces chercheurs ont montré que leur augmentation observée par satellite entre 2000 et 2010 était largement due à de fréquentes mais petites éruptions volcaniques injectant du dioxyde de soufre dans la basse stratosphère des régions tropicales et qu'elle s'élevait en moyenne à 5-7 % par an.

Les mêmes séries de données satellite, ainsi que des données issues de mesures au sol, ont été utilisées par des climatologues de la National oceanic and atmospheric administration (NOAA) pour évaluer, à l'aide de simulations numériques, l'impact de cette augmentation sur le réchauffement climatique. Ils ont montré que l'augmentation moyenne de la concentration des aérosols dans la stratosphère durant la dernière décennie avait induit un forçage radiatif sur ces dix dernières années d'environ - 0.1 W/m2. Or, un tel refroidissement est tout à fait significatif au regard du réchauffement induit durant la même période par l'augmentation moyenne de 0.5 % par an de la concentration du dioxyde de carbone dans l'atmosphère et estimé à + 0.3 W/m2. La présence de ces aérosols durant la dernière décennie semble donc avoir eu pour effet de diminuer la température au sol de 0.07 °C, par rapport à ce qu'elle aurait dû être en 2010, et par voie de conséquence, l'expansion thermique des océans étant moindre, de réduire l'élévation du niveau de la mer de 10 % (soit environ 0.2 mm).

L'ensemble de ces résultats montre que de faibles mais fréquentes éruptions volcaniques peuvent refroidir notablement le climat à l'échelle décennale et qu'il est donc important, pour améliorer les prédictions climatiques, de prendre en compte les variations moyennes des concentrations des aérosols stratosphériques dans les simulations.


Notes:

1.Hofmann, D., J. Barnes, M. O'Neill, M. Trudeau, and R. Neely (2009), Increase in background stratospheric aerosol observed with lidar at Mauna Loa Observatory and Boulder, Colorado, Geophys. Res. Lett., 36, L15808, doi:10.1029/2009GL039008

2.LATMOS, NASA Langley research center, Department of atmospheric and oceanic sciences (University of Colorado, États-Unis), Institute of space and atmospheric studies (University of Saskatchewan, Canada) et Institute for research and development (Paraiba Valley University, Brésil)

3.Les données satellites utilisées proviennent de GOMOS (Global ozone monitoring by occultation of stars) de l'Agence spatiale européenne (ESA), du lidar CALIPSO (Cloud-aerosol lidar and infrared pathfinder) de la NASA et du CNES ainsi que les données acquises entre 1985 et 2005 par l'instrument SAGE II (Stratospheric aérosols and gas experiment) de la NASA.


Références:

Major influence of tropical volcanic eruptions on the stratospheric aerosol layer during the last decade, J.-P. Vernier, L. W. Thomason, J.-P. Pommereau, A. Bourassa, J. Pelon, A. Garnier, A. Hauchecorne, L. Blanot, C. Trepte, D. Degenstein, F. Vargas, Geophysical Research Letters, vol. 38, L12807, 2011
The persistently variable "background" stratospheric aerosol layer and global climate change, S. Solomon, J. S. Daniel, R. R. Neely III, J.-P. Vernier, E. G. Dutton, L. W. Thomason, Science Express, 21 juillet 2011. [DOI:10.1126/science.1206027]
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