Adrien - Mercredi 26 Novembre 2025

⚡ Un pas de plus vers la supraconductivité à température ambiante

Les supraconducteurs sont des matériaux capables de transporter le courant électrique sans aucune résistance, une caractéristique qui les rend précieux pour de nombreuses applications technologiques. Jusqu'à récemment, ce phénomène extraordinaire (au sens littéral du terme - qui sort de notre ordinaire) ne se produisait qu'à des températures extrêmement basses, proches du zéro absolu.

La découverte de composés riches en hydrogène comme le sulfure d'hydrogène (H₃S) a changé la donne en permettant la supraconductivité à des températures beaucoup plus accessibles, autour de -70°C, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour une utilisation pratique.


Pour atteindre la supraconductivité, un froid extrême est nécessaire.
Crédit: University of Rochester / J. Adam Fenster


L'étude de ces matériaux présente cependant des difficultés majeures, notamment parce qu'ils ne peuvent être créés que sous des pressions colossales, dépassant un million de fois la pression atmosphérique normale. Ces conditions extrêmes rendent impossible l'utilisation des techniques de mesure traditionnelles, ce qui a longtemps empêché les chercheurs d'explorer en profondeur les mécanismes quantiques à l'œuvre dans ces supraconducteurs nouvelle génération.

Pour contourner cet obstacle, une équipe de l'Institut Max Planck de Mayence a mis au point une méthode spectroscopique innovante capable de fonctionner sous ces pressions exceptionnelles. Cette technique de spectroscopie par effet tunnel a permis pour la première fois de sonder directement l'état supraconducteur dans le H₃S, révélant la présence d'une barrière énergétique caractéristique d'environ 60 milliélectronvolts.

Les chercheurs ont également étudié la version deutérée de ce composé, le D₃S, où l'hydrogène est remplacé par son isotope plus lourd. La mesure d'une barrière énergétique plus petite, d'environ 44 milliélectronvolts, confirme que les vibrations du réseau atomique jouent un rôle central dans le mécanisme de supraconductivité. Cette validation expérimentale soutient des prédictions théoriques établies de longue date sur le comportement des électrons dans ces matériaux.

Le Dr Feng Du, premier auteur de l'étude publiée dans Nature, souligne que cette percée technique ouvre la voie à une compréhension approfondie des facteurs permettant la supraconductivité à haute température. Mikhail Eremets, pionnier dans ce domaine récemment disparu, considérait ces travaux comme les plus importants depuis la découverte initiale de la supraconductivité dans le H₃S en 2015. Son collègue Vasily Minkov ajoute que cette avancée rapproche la conception de supraconducteurs fonctionnant à température ambiante.


L'histoire de la supraconductivité remonte à 1911 avec la découverte de ce phénomène dans le mercure par Heike Kamerlingh Onnes. Pendant des décennies, on a cru que cette propriété extraordinaire ne pouvait exister qu'à des températures extrêmement basses. La découverte des cuprates dans les années 1980 a constitué une première révolution, suivie plus récemment par l'émergence des hydrures métalliques riches en hydrogène qui repoussent constamment les limites de température vers des valeurs plus pratiques pour des applications futures.

Le phénomène de supraconductivité


La supraconductivité représente l'une des propriétés les plus remarquables que certains matériaux peuvent manifester lorsqu'ils sont refroidis en dessous d'une température spécifique. À cette température critique, la résistance électrique disparaît complètement, permettant au courant de circuler indéfiniment sans aucune perte d'énergie. Cette caractéristique unique ouvre des ruptures technologiques pour le transport et le stockage de l'électricité, avec des applications potentielles allant des réseaux électriques ultra-efficaces aux systèmes de propulsion avancés.

Le mécanisme fondamental derrière ce phénomène implique la formation de paires d'électrons, appelées paires de Cooper, qui se comportent comme une entité unique. Contrairement aux électrons individuels dans les métaux normaux qui subissent des collisions avec les atomes du matériau, ces paires coordonnées se déplacent sans rencontrer d'obstacles. Cette coordination parfaite est rendue possible par des interactions subtiles avec les vibrations du réseau cristallin, créant un état quantique collectif particulièrement stable.

La température à laquelle un matériau devient supraconducteur varie considérablement selon sa composition et sa structure. Les premiers supraconducteurs découverts nécessitaient un refroidissement proche du zéro absolu, limitant fortement leurs applications pratiques. Les progrès récents ont permis d'identifier des matériaux qui présentent cette propriété à des températures beaucoup plus élevées, certains approchant même les conditions ambiantes, ce qui représente une avancée majeure vers une utilisation plus large.


L'importance de la supraconductivité dépasse largement le domaine de l'électricité, touchant à des technologies de pointe comme l'imagerie médicale par résonance magnétique, les trains à sustentation magnétique et les ordinateurs quantiques. Chaque nouvelle découverte dans ce domaine nous rapproche un peu plus d'un futur où l'énergie pourrait être transportée et utilisée avec une efficacité aujourd'hui inimaginable.
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