Un article d'une équipe de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique de Rennes, publié dans PLOS One au mois d'octobre, montre que les gels hydro-alcooliques ont pu avoir un impact fort sur la grippe A/H1N1 de 2009 et sur la dynamique de l'épidémie de gastroentérite aigue qui a suivi. Cet article met en évidence la coïncidence temporelle entre une cassure dans l'envolée de l'épidémie de grippe et un pic de ventes de gels, compatible avec une hypothèse de forte efficacité de cette simple mesure. Les auteurs insistent cependant sur la nécessité de mettre en place des études prospectives à grande échelle pour démontrer un véritable lien causal, ce qui n'avait pas été fait lors de la pandémie.
Pascal Crépey (1), Mathilde Pivette (1), et Moïse Desvarieux (2), ont cherché à savoir si les mesures non-pharmaceutiques mises en place pendant la pandémie de grippe A/H1N1 de 2009 avait pu avoir un impact sur celle-ci et sur une épidémie en général concomitante, l'épidémie hivernale de gastroentérite. Lors de la survenue de l'épidémie de grippe A/H1N1 apparue au Mexique au cours des premiers mois de 2009, les autorités sanitaires ont mis en place des politiques de santé publique, campagnes de vaccination et mesures de prévention, recommandées par l'OMS. L'objectif de cette étude était de profiter de l'expérience unique des interventions de santé publique multifocales à grande échelle afin d'évaluer leur impact sur des maladies infectieuses transmissibles dont l'évolution et l'historique sont connus.
Les auteurs ont étudié les données nationales des cinq années précédentes (2004-2009) pour estimer le calendrier et l'incidence de la gastroentérite en France en 2009-2010. Ils ont ainsi pu comparer ce qui s'est passé à une référence probable. Parallèlement, ils ont étudié les ventes en pharmacie de gels hydro-alcooliques (pour les mains) pendant la même période, en raison de leur recommandation soutenue au niveau national (Données Celtipharm).
Les auteurs ont observé un nombre d'épisodes de gastroentérite aiguë en France en 2009-2010 significativement plus faible que prévu jusqu'à la troisième semaine de décembre (-24 %), puis significativement plus élevé (+40%) conduisant à un surplus de près de 575 000 épisodes par rapport aux années précédentes. L'épidémie a commencé la deuxième semaine de décembre et a été retardée de 5 semaines avec un pic 30% plus élevé que prévu. Les ventes de gels hydro-alcooliques pour les mains sont inversement corrélées à l'incidence des deux syndromes, grippe et gastroentérite aiguë.
Les auteurs constatent qu'au moins une maladie épidémique, la gastro-entérite, a eu un comportement inattendu en 2009-2010. Cette épidémie semble avoir été contrôlée pendant le début de la pandémie grippale dans tous les groupes d'âge, mais elle a, plus tard, atteint un sommet plus élevé que prévu en particulier chez les moins de 65 ans, la population aussi la plus touchée par la grippe A/H1N1. Le retard en début de saison pourrait être en partie attribuable à l'utilisation de gels hydro-alcooliques ainsi qu'à d'autres comportements de prévention d'infection (une personne grippée se met naturellement en quarantaine). Le rebond et la recrudescence de cas de gastroentérites plus tard dans la saison pourraient, eux, s'expliquer par une "interaction" entre les deux épidémies: à peine remise de la grippe, la population a été plus facilement touchée par la gastro.
Notes:
(1) EHESP
(2) Columbia University