Isabelle - Vendredi 1er Juin 2018

Origine de la forme commune de la maladie d'Alzheimer: une compréhension du rôle du gène BMI1 porteuse d'espoir

Les chercheurs ont bon espoir de pouvoir freiner ou renverser l'évolution de la maladie d'Alzheimer en intervenant sur l'expression du gène BMI1 dans les neurones des malades.

Les 10 années de travaux menés par le Dr Gilbert Bernier, chercheur à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont et professeur à l'Université de Montréal, et son équipe jettent un éclairage neuf et porteur d'espoir quant à la compréhension de l'origine de la forme la plus courante de la maladie d'Alzheimer (MA). Ces résultats viennent tout juste d'être publiés dans la prestigieuse revue scientifique Cell Reports.

Au-delà de 90 ans, une personne sur deux souffrira de la maladie d'Alzheimer à des degrés divers. Avec le vieillissement de la population, la maladie d'Alzheimer et les affections associées sont en passe de devenir un fléau pour lequel la recherche semble impuissante à trouver un remède. Si la maladie est d'origine génétique dans une faible proportion (forme précoce familiale), l'origine de 95 % des cas de la MA est inconnue, avec l'âge comme facteur de risque principal. Bien que plusieurs chercheurs essaient de mieux comprendre les facteurs de risque génétiques et la pathophysiologie de la MA, peu d'études se sont attaquées à l'origine de la maladie d'Alzheimer et à son lien avec le vieillissement du cerveau.

Partant du postulat que les causes de la forme la plus courante de la MA étaient non pas génétiques mais plutôt épigénétiques (altération de la fonction du gène), le Dr Bernier et son équipe ont suivi un long processus d'enquête scientifique visant à mieux comprendre le rôle d'un gène spécifique, le BMI1, dans le déclenchement et l'évolution de la maladie.

Suivre le gène BMI1 pas à pas...



Dans une publication de 2009, les chercheurs observaient que, chez la souris, la mutation du gène BMI1 provoquait le vieillissement accéléré et pathologique du cerveau et des yeux. À partir de cette observation, l'équipe a déduit qu'un éventuel arrêt de fonctionnement de BMI1 chez l'humain se traduirait là aussi par un vieillissement accéléré du cerveau et une apparition des affections associées à la MA. En comparant les cerveaux de patients décédés de la MA (provenant d'échantillons de la banque de cerveaux Douglas-Bell) avec ceux de personnes du même âge mais décédées d'autres causes, l'équipe a en effet constaté une diminution importante de l'expression du gène BMI1 seulement chez les patients décédés de la MA.

Souhaitant vérifier que cette diminution n'était pas simplement une conséquence de la maladie, les chercheurs ont appliqué le même examen à la forme précoce de la MA, d'origine génétique et beaucoup plus rare, celle qui frappe avant l'âge de 50 ans, même parfois avant 40 ans. Les chercheurs ont remarqué qu'il n'y avait pas d'altération de l'expression du gène BMI1 dans ce cas de figure.

Dans une troisième étape, les chercheurs ont examiné le cerveau de personnes dont le décès avait pour cause d'autres démences liées à l'âge, pour encore une fois relever l'absence d'altération de l'expression de BMI1. Finalement, les chercheurs ont réussi à produire en laboratoire à l'aide d'une méthode complexe des neurones provenant de patients atteints d'alzheimer et de personnes saines. Encore ici, l'expression du gène BMI1 était altérée seulement dans les neurones de patients alzheimer. Ils en ont conclu que la perte d'expression de BMI1 dans le cerveau et les neurones des patients atteints de la forme commune de la MA n'était pas une conséquence de la maladie, et donc peut-être sa cause.

Reproduire la maladie d'Alzheimer en laboratoire!



Les chercheurs ont voulu ensuite tester l'hypothèse que la perte de BMI1 jouait un rôle direct dans le développement de la MA. Pour ce faire, ils ont produit en laboratoire des neurones humains normaux. Une fois les neurones parvenus à maturité, ils ont inactivé le gène BMI1 avec une méthode génétique. Le résultat s'est révélé spectaculaire, toutes les marques neuropathologiques de la MA ayant été reproduites en laboratoire. Les chercheurs en ont conclu que la perte de fonction du gène BMI1 dans les neurones humains était suffisante pour déclencher la MA. Forts de ces surprenantes observations, les chercheurs ont également effectué des études moléculaires pour comprendre comment la perte de BMI1 pouvait déclencher la MA. Ces études ont révélé que la perte de BMI1 entraînait une production accrue des protéines béta-amyloïde et Tau ainsi qu'une diminution de la capacité naturelle des neurones à éliminer les protéines toxiques.

Un espoir pour la suite


Au vu de ces résultats, les chercheurs ont de bonnes raisons de croire que la restauration de l'expression du gène BMI1 dans les neurones de patients atteints de la maladie d'Alzheimer à ses débuts pourrait atténuer l'évolution de la maladie ou même renverser son processus.

Les chercheurs ont à ce propos fondé en 2016 une compagnie (StemAxonTM) qui se donne pour mission la mise au point d'un médicament pour le traitement de la maladie d'Alzheimer.

À propos du CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal


Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Est-de-l'Île-de-Montréal (CIUSSS-Est) regroupe l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, l'Hôpital Santa Cabrini, le CHSLD Polonais Marie-Curie-Sklodowska et l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal, de même que les centres de santé et de services sociaux de Saint-Léonard et de Saint-Michel, de la Pointe-de-l'Île et Lucille-Teasdale. Affilié à l'Université de Montréal, le CIUSSS-Est conjugue les missions d'enseignement, d'évaluation et de recherche avec la formation de médecins et professionnels de la santé.
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL
sous le numéro de dossier 1037632
Informations légales