Isabelle - Dimanche 10 Juin 2012

Ongulés: problèmes de boisson


Pas facile de choisir entre deux maux. Dans les zones où la chasse est permise le jour, le quart des groupes d'impalas se rendent au point d'eau pendant la nuit, quitte à y croiser leurs prédateurs.
Photo: Maël Le Corre
Les incursions aux points d'eau sont risquées pour certains ongulés habitant la savane africaine.

Boire pose de sérieux risques pour la santé des ongulés africains. En effet, chaque incursion à un point d'eau peut entraîner leur mise à mort par un prédateur ou un chasseur. Les pauvres bêtes auraient toutefois trouvé moyen de réduire la probabilité d'y laisser leur peau en adaptant leurs heures de prédilection pour écluser, démontre une étude parue dans un récent numéro de la revue Animal Behaviour.

William-Georges Crosmary et Steeve Côté, du Département de biologie, Marion Valeix et Hervé Fritz, de l'Université de Lyon, et Hillary Madzikanda, du Parks and Wildlife Management Authority du Zimbabwe, ont comparé les heures de visites aux points d'eau de l'hippotrague noir, de l'impala et du grand koudou dans deux types de milieu; le premier, le parc national de Hwange où la chasse est interdite, et le second, les zones adjacentes au parc où la chasse est permise. Le décompte des animaux, effectué lors de 90 périodes d'observation de 24 heures, se déroulait au moment de la pleine lune. "La luminosité est alors suffisante pour que nous puissions distinguer les trois espèces, les mâles et les femelles, les jeunes et les adultes", précise William-Georges Crosmary.


Les analyses révèlent que, dans les deux sites, la plupart des visites au point d'eau surviennent le jour. "Les animaux n'ont pas vraiment le choix, poursuit le chercheur. Ils sont essentiellement diurnes et, comme il fait très chaud, ils doivent boire, notamment pour assurer leur thermorégulation." Par contre, alors que les visites nocturnes sont rares dans le parc, elles sont très fréquentes dans les zones où la chasse est permise: 20 % des groupes de grands koudous, 25 % des groupes d'impalas et 50 % des groupes d'hippotragues y sont observés de nuit. "La pression de chasse semble inciter une bonne proportion des animaux à attendre la nuit pour visiter les points d'eau", explique le chercheur, qui a consacré sa thèse de doctorat au dilemme que doivent résoudre ces animaux.

S'ils ne sont pas plus nombreux à adopter un comportement nocturne pour échapper aux balles des chasseurs, c'est que d'autres dangers les guettent quand vient la nuit. En effet, ces ongulés doivent composer avec les lions, les hyènes et les léopards, des prédateurs surtout actifs après la tombée du jour. "Si les hippotragues sont plus nombreux à se rendre aux points d'eau pendant la nuit, c'est qu'ils sont moins vulnérables que les koudous ou les impalas aux attaques de ces prédateurs", explique William-Georges Crosmary.

Cette étude montre comment la chasse influence l'écologie des ongulés dans un système où ils doivent faire un compromis entre le risque de prédation par des carnivores actifs la nuit et le risque posé par les chasseurs pendant la journée. Reste à déterminer si les changements de comportement observés dans les zones de chasse engendrent des coûts sur le plan de la physiologie ou de la survie de ces animaux, concluent les auteurs.
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