Michel - Jeudi 19 Mars 2009

Le nymphée de Glanum: à la claire fontaine

Construit il y a plus de vingt-deux siècles, le nymphée de Glanum est une fontaine si bien conservée qu'elle serait encore capable de fonctionner aujourd'hui. Un chercheur en révèle les secrets.

Adossé aux contreforts des Alpilles, près du village de Saint-Rémy-de-Provence, Glanum est un site archéologique majeur en France. La cité antique a pu prospérer grâce à une source ingénieusement captée par une sorte de fontaine: le nymphée de Glanum. Guilhem Fabre, directeur de recherche au laboratoire "Archéologie des sociétés méditerranéennes" (1), vient de percer les secrets du fonctionnement de cette fontaine monumentale. Sa conception est si brillante qu'elle pourrait fonctionner encore à l'heure actuelle, soit plus de vingt-deux siècles après sa construction !


Les flèches sombres indiquent l'entrée de l'eau dans la chambre de captage
par les murs sud et ouest et dans le bassin.
Les flèches claires figurent les différents systèmes d'évacuation adaptés
aux variations du débit.

Cet édifice phare de Glanum a été aménagé entre le IIe et Ier siècle avant J.-C. Il marque le point de départ de l'urbanisation de la fameuse cité antique. Par la suite, le nymphée a continué de servir aux Gallo-Romains (du Ier siècle avant J.-C. au IIIe siècle de notre ère). L'archéologue Henri Rolland fut l'un des premiers à étudier le nymphée de Glanum dans les années 1950. Mais jusqu'à aujourd'hui, aucune recherche n'avait été engagée sur son fonctionnement. C'est désormais chose faite.


Concrètement, le nymphée est constitué d'une chambre de captage souterraine reliée à un bassin où les habitants de Glanum pouvaient puiser l'eau. La chambre est située sur la trajectoire de la source qui s'écoule d'ouest en est. Toutes les parois de la chambre sont étanches, à l'exception du mur sud, percé de barbacanes, et du mur ouest, perméable grâce à l'hétérogénéité de sa maçonnerie. Ces derniers laissent pénétrer l'eau qui peut ainsi s'accumuler dans la chambre de captage et approvisionner le bassin. Guilhem Fabre explique que "le fonctionnement hydraulique du nymphée de Glanum est remarquable, puisqu'il s'adapte parfaitement aux caprices du climat méditerranéen". En effet, pour compenser l'alternance de crues et de sécheresses, les Glaniques ont mis en œuvre plusieurs astuces. La première est une simple cheminée reliée au plafond de la chambre de captage ; l'ouverture communique avec un égout collecteur et agit comme une soupape en cas de fortes crues. Le surplus d'eau peut être alors utilisé dans le reste de la cité en aval du nymphée.

La construction du bassin a elle aussi été pensée en fonction du débit variable de la source. Situé à plusieurs mètres sous le niveau du sol, le réservoir d'eau est en effet accessible par une cage d'escalier composée de trois volées de marches. La plus basse débouche sur une plate-forme creusée de deux alvéoles usées au fil des siècles. Elles étaient destinées à recevoir les récipients de puisage attachés à une corde en période de faible débit. En temps de crues, et selon leur importance, les marches d'escalier servaient de margelles (2) temporaires: le niveau d'eau pouvait donc monter ou descendre sans problème. Pour l'archéologue, "le fonctionnement du nymphée est simple et ingénieux à la fois".

Outre l'eau fraîche et claire qu'il offrait en toute saison, le nymphée était dédié au dieu Glan et aux mères glaniques, déesses de la fécondité, auxquels les habitants de la cité vouaient un culte. La source était également perçue comme un point d'eau sacré aux vertus thérapeutiques. Selon Hippocrate, le "père de la médecine moderne", les meilleures sources sont celles qui sortent de terre face au nord ou à l'est... comme celle du nymphée de Glanum.


Notes:

(1) Laboratoire CNRS / Université Montpellier-III / Inrap / ministère de la Culture et de la Communication.
(2) Ensemble de pierres qui forment le rebord d'un puits, d'une fontaine, etc.


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