La découverte de l'astre le plus lointain connu par l'homme ouvre une nouvelle fenêtre sur une période encore inexplorée de l'histoire de notre Univers: celle de la formation des premières étoiles et des premières galaxies qui a conduit à l'Univers que nous connaissons actuellement.
Image d'artiste d'une étoile massive produisant un sursaut gamma.
Depuis quelques années les astrophysiciens espéraient découvrir des explosions d'étoiles massives dans l'Univers très jeune (entre 400 et 700 millions d'années). Cette période de la vie de notre Univers est particulièrement intéressante car elle correspond à la formation des premières étoiles et galaxies qui ont illuminé le cosmos après une longue période d'âges sombres. De telles explosions, appelées "sursauts gamma", se produisent lorsque le cœur d'une étoile de plus de 20 masses solaires s'effondre en un trou noir qui avale les parties centrales de l'étoile en quelques secondes et expulse un jet de matière à des vitesses proches de celle de la lumière (figure ci-dessus). Les sursauts gamma sont composés de deux phases: un éclair intense de rayons X et gamma produit au moment même de l'explosion (qui ne traverse pas l'atmosphère terrestre) et une émission résiduelle dans tout le spectre électromagnétique produite par le choc du jet de matière sur le milieu interstellaire. Les sursauts gamma sont observés régulièrement par le satellite Swift de la NASA qui alerte les observatoires au sol qui peuvent ainsi étudier l'émission résiduelle pour mesurer la distance et l'énergie de l'explosion et trouver la galaxie dans laquelle celle-ci s'est produite. La luminosité extrême des sursauts gamma permet de les détecter jusque dans les régions les plus reculées de l'Univers.
Le 23 avril dernier à 7h55 le satellite Swift de la NASA a détecté un éclair de rayons gamma d'une durée de 10 secondes qu'il a rapidement localisé (voir notre
news). Cet événement a été baptisé GRB 090423, (GRB pour "
Gamma-Ray Burst") suivi de la date à laquelle le sursaut a été détecté. En même temps qu'il tournait pour orienter ses télescopes visibles et à rayons X en direction du sursaut, plusieurs télescopes faisaient de même sur la Terre. Dans les minutes qui ont suivi l'alerte le sursaut était observé par divers télescopes qui ont fourni des résultats étonnants: les télescopes équipés de caméras visibles ne détectaient aucune trace de l'explosion tandis que ceux qui étaient équipés de caméras infrarouges, comme le télescope anglais UKIRT et le télescope Gemini à Hawaii, détectaient une nouvelle étoile plutôt brillante. Rapidement les astronomes ont compris qu'il pouvait s'agir d'une explosion extrêmement distante dont la lumière avait été décalée vers le rouge par l'expansion de l'Univers. Une dizaine d'heures après le sursaut gamma plusieurs observations couvrant simultanément les deux domaines visibles et infrarouge (spectres obtenus au télescope italien TNG des îles Canaries et au
Very Large Telescope de l'ESO et observations photométriques réalisées avec le télescope allemand GROND – figure ci-après) ont pleinement confirmé cette hypothèse audacieuse. Ces mesures ont révélé une explosion ayant eu lieu lorsque l'Univers avait seulement 4% de son âge actuel (soit 630 millions d'années, ce qui correspond à un décalage vers le rouge z = 8,1). Les auteurs de ces observations venaient d'identifier l'astre le plus lointain jamais observé par l'homme, une explosion stellaire tellement lumineuse qu'elle a pu être détectée après que la lumière ait voyagé pendant 13 milliards d'années.
Cette découverte, à laquelle est associé Olivier Godet un chercheur post-doctoral de l'Observatoire Midi-Pyrénées (INSU-CNRS, Université Paul Sabatier), tombe comme une excellente nouvelle après le colloque de prospective du CNES qui vient d'officialiser l'engagement du projet du projet Sino-Français SVOM dont l'un des objectifs est précisément la détection et l'étude des sursauts gamma les plus lointains de l'Univers. La mission SVOM, prévue pour un lancement en 2014, permettra de systématiser la détection de ces événements grâce à une combinaison instrumentale unique qui inclut des détecteurs de rayons gamma dans l'espace, un système de diffusion rapide (quelques dizaines de secondes) des alertes vers la Terre, et des télescopes terrestres équipés de caméras infrarouges. Les chercheurs de l'Observatoire Midi-Pyrénées, qui ont une longue tradition d'étude de l'Univers jeune et de l'Univers à haute énergie, jouent un rôle de premier plan dans le projet SVOM. Le Centre d'Etude Spatiale des Rayonnements (CESR: INSU-CNRS, Université Paul Sabatier) fournira le détecteur de rayons gamma du télescope ECLAIRs, le dispositif embarqué sur le satellite de détection et d'alerte des sursauts gamma réalisé sous la maîtrise d'œuvre du CEA-IRFU à Saclay, tandis que le Laboratoire d'Astrophysique de Toulouse-Tarbes (LATT: INSU-CNRS, Université Paul Sabatier) prépare un télescope terrestre équipé d'une caméra infrarouge. Sont également impliqués dans ce projet: le Laboratoire d'Astronomie de Marseille (LAM: INSU-CNRS, Université Aix-Marseille I, Observatoire Astronomique de Marseille Provence), l'Observatoire de Haute Provence (INSU-CNRS, Observatoire Astronomique de Marseille Provence), l'Institut d'Astrophysique de Paris (INSU-CNRS, Université de Paris 6).
Les perspectives ouvertes par la détection de GRB 090423 sont immenses puisque les astronomes savent maintenant qu'ils ont les moyens d'étudier les premières générations d'étoiles et que celles-ci, lorsqu'elles explosent, deviennent pour quelques heures des "phares" puissants qui éclairent une période inexplorée de l'histoire de notre Univers: celle de la formation des premiers astres lumineux.
Image résiduelle de l'explosion prise par le télescope GROND 15 heures après le sursaut gamma,
montrant l'absence de détection visible (aucun signal n'est détecté au-dessus du niveau de bruit
de fond dans les filtres visibles g',r',i',z') et la présence d'une émission lumineuse en infrarouge
dans les filtres J, H et K. Une telle coupure entre émission visible et infrarouge est caractéristique
des astres dont la lumière nous parvient après un voyage de 13 milliards d'années.