Présente dans toute l'Afrique subsaharienne,
Cotesia sesamiae est une petite guêpe parasitoïde qui se reproduit en pondant ses oeufs dans des chenilles de papillons. A partir de l'analyse génétique de centaines de ces insectes collectés sur une vingtaine d'espèces de chenilles hôtes, une équipe internationale a montré que la population de
Cotesia sesamiae qui infecte plus particulièrement les chenilles de la sésamie du maïs (
Sesamia nonagrioides) constitue en fait une espèce à part entière. Cette découverte publiée le 7 juillet 2015 dans
Evolutionary Applications laisse entrevoir de nouvelles perspectives dans le domaine de la lutte biologique contre les ravageurs des cultures céréalières.
A. Chenille de sésamie du maïs se nourrissant à l'intérieur d'un jeune épi. © JF Silvain B. Adulte femelle de l'espèce Cotesia sesamiae, guêpe parasite de chenilles. ©R. Le Ru C. A maturité, les larves de Cotesia sesamiae quittent le corps de la chenille où elles se sont développées, pour former leur cocon de nymphose autour du cadavre. © L. Kaiser
La lutte biologique met à contribution les ennemis naturels d'espèces nuisibles dans le but de limiter leur propagation. Pour être efficace sans porter atteinte à l'environnement, un agent de lutte biologique tel qu'un insecte doit s'attaquer de manière exclusive à l'espèce ciblée. La détermination préalable du potentiel évolutif de cette spécificité permet d'évaluer les risques écologiques associés à l'utilisation d'une espèce en lutte biologique. En effectuant ce travail pour
Cotesia sesamiae, une guêpe parasitoïde présente dans toute l'Afrique subsaharienne, des scientifiques du Laboratoire Evolution, Génome, Comportement et Ecologie (EGCE, CNRS/IRD/Université Paris-Sud) ont découvert une nouvelle espèce de Cotesia. Avec la collaboration de
l'icipe - African Insect Science for Food and Health, un centre international de recherches situé à Nairobi, au Kenya, et de l'Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte (IRBI, CNRS/Université François Rabelais de Tours), les chercheurs ont tout d'abord passé en revue une centaine de spécimens identifiés comme
C.sesamiae prélevés sur une vingtaine d'espèces de chenilles de papillons dans différentes localités de son aire de répartition. "
Grâce aux tests ADN pratiqués sur chacune de ces guêpes parasitoïdes nous avons pu établir avec précision les relations de parenté entre ces individus", explique Laure Kaiser-Arnauld, chercheuse au laboratoire EGCE et premier auteur de ces travaux
Parmi les individus collectés, les scientifiques ont mis en évidence l'existence de trois lignées distinctes. Deux d'entre elles regroupent des guêpes parasitoïdes généralistes s'attaquant à des chenilles de plusieurs espèces de papillons. La troisième a pour sa part été retrouvée exclusivement sur les chenilles de la sésamie du maïs. L'équipe a ensuite testé l'interfécondité entre des représentants des différentes lignées identifiées. En biologie évolutive, l'isolement reproducteur entre lignées caractérise en effet une espèce en formation. "
Les tests effectués en laboratoire ayant révélé que les représentants de la lignée spécialiste ne pouvaient plus se croiser avec ceux des lignées généralistes, celle-ci peut donc être considérée comme une espèce différente dont la description morphologique précise devra être réalisée avant de lui attribuer un nom définitif", souligne Laure Kaiser-Arnauld. Alors que la sésamie est devenue un important ravageur des cultures de maïs dans les pays du pourtour méditerranéen, du Moyen Orient et de l'Afrique de l'ouest, la découverte d'une guêpe parasitoïde inféodée à la chenille de ce papillon représente un réel espoir de lutter de manière biologique contre ce fléau. En tentant d'identifier les gènes impliqués dans l'efficacité de cette nouvelle espèce, les scientifiques comptent désormais sélectionner des variants utilisables comme agent de lutte biologique ainsi que des molécules de virulence spécifiques qui permettraient de mettre au point de nouveaux biopesticides à la fois durables et performants.