Redbran - Lundi 11 Janvier 2016

De nouveaux matériaux pour des batteries plus performantes

Les batteries composées de matériaux enrichis en lithium (ou "Li-rich") présentent une grande autonomie étant donnée leur importante capacité de charge. Cependant, l'exploitation industrielle était jusqu'alors freinée par des performances médiocres (faible durée de vie, perte de potentiel ...). Des équipes du Laboratoire chimie du solide et énergie (CNRS / Collège de France) viennent de montrer que les performances de ces matériaux peuvent désormais être contrôlées et donc améliorées en modulant les propriétés physico-chimiques des matériaux. Ces résultats sont publiés dans la revue Science.


Visualisation des dimères oxygènes par TEM: petits points reliés par traits noirs, les points noirs plus gros sont des atomes d'iridium. © L'équipe de chercheurs
Dans nos batteries actuelles, les capacités des électrodes positives atteignent au mieux 200mAh/g ce qui reste largement insuffisant pour les usagers qui demandent toujours plus d'autonomie pour leurs appareils mobiles. De gros efforts sont donc engagés en ingénierie chez les fabricants de batteries pour améliorer les performances de ces dispositifs mais aussi en recherche fondamentale pour concevoir des nouveaux matériaux dont la composition chimique, enrichie en lithium, permettrait d'augmenter les capacités des électrodes positives. Ainsi, la découverte des matériaux "Li-rich" présentant des capacités pouvant atteindre 300mAh/g permet d'envisager un gain d'autonomie de 20% des batteries actuelles. Malheureusement, les tentatives des sociétés BASF et 3M pour commercialiser ces batteries restent aujourd'hui vaines en raison de la durée de vie très limitée des matériaux "Li-rich" au fil des cycles de charge/décharge de la batterie.


Les chercheurs du Réseau sur le stockage électrochimique de l'énergie progressent dans la compréhension des mécanismes et des performances remarquables de ces matériaux. En 2013, ils publient dans Nature Materials une première proposition de mécanisme électrochimique à l'origine des capacités record de ces matériaux, basée sur une activité redox anionique venant s'ajouter à l'activité redox cationique classiquement observée dans ce type de matériaux. En 2014, toujours dans Nature Materials, ils relient la chute de potentiel au cours des cycles de charge/décharge à une instabilité structurale des matériaux découlant d'une migration cationique partiellement irréversible. Enfin, début 2015, ils utilisent l'imagerie électronique (résonance paramagnétique électronique) pour publier dans Nature Communications la première preuve expérimentale de l'activité anionique proposée en 2013.

Si ces avancées fondamentales ont clairement permis d'identifier le réseau anionique des matériaux "Li-rich" comme un vecteur indispensable de l'augmentation de capacité, l'instabilité structurale découlant de l'activité redox anionique (dégazage de gazeux) devait être contrée pour espérer maîtriser les prouesses technologiques que ces matériaux laissent entrevoir.


Structure générale du matériau chargé (image TEM). © L'équipe de chercheurs
Ce dernier verrou vient d'être levé grâce à un groupe de chercheurs internationaux (belges, slovènes, russes et français) qui proposent la première observation expérimentale d'une activité anionique réversible dans un matériau "Li-rich" à base d'Iridium. Le point de départ de cette étude a été d'utiliser un système modèle de la même famille structurale que les matériaux "Li-rich" mais présentant des liaisons chimiques plus stables entre le réseau de cations et le réseau d'anions pour limiter les migrations cationiques. Grâce à une technique particulière de microscopie électronique à transmission, la réponse structurale du matériau aux cycles de charge/décharge a pu être suivie et visualisée à l'échelle atomique. Les chercheurs ont ainsi pu prouver que l'activité redox anionique s'accompagne d'une réorganisation du sous-réseau d'oxygène en espèces peroxydées (O2)n- , en parfait accord avec les prédictions théoriques publiées en 2013 dans Nature Materials.


La charge de ces espèces a pu être évaluée précisément à (O2)3-. Leur stabilité vis-à-vis du dégazage en dioxygène gazeux (mécanisme irréversible nuisant au maintien de la capacité) a également pu être reliée à la nature des liaisons chimiques cation-anion dans le matériau et indirectement au potentiel auquel ces espèces se forment (< 4.3 Volt). Enfin, la chute de capacité survenant sur les longs régimes de cyclage a pu être corrélée à l'émergence et à l'accumulation de fautes d'empilements dans la structure lamellaire du matériau. Une priorité à traiter pour commercialiser ces batteries !


Superposition de la structure initiale du matériau (noir) et de sa structure chargée (d'après analyse par diffraction de neutron). © L'équipe de chercheurs
Au début des années 2000, l'équipe avait déjà prédit la possibilité de telles réactions anioniques sans que cette proposition ne fasse l'unanimité. Au-delà de la preuve irréfutable apportée pour ce mécanisme par la microscopie électronique à transmission, l'étude de ces chercheurs met en lumière la possibilité de moduler à l'infini les propriétés des matériaux "Li-rich" dès lors qu'on comprend l'origine de leurs limitations. A ce propos, Jean-Marie Tarascon déclare: "Nous avons expliqué l'essentiel des problèmes de ces composés ; à nous maintenant de proposer des solutions pour y répondre ! Travail qui a déjà commencé avec notamment des travaux sur des nanoparticules encapsulées afin de limiter leur chute en potentiel au cyclage".

Pour plus d'information voir:
Éric McCalla, Artem M. Abakumov, Matthieu Saubanère, Dominique Foix, Erik J. Berg, Gwenaëlle Rousse, Marie-Liesse Doublet, Danielle Gonbeau, Petr Novák, Gustaaf Van Tendeloo, Robert Dominko & Jean-Marie Tarascon
Visualization of O-O peroxo-like dimers in high-capacity layered oxides for Li-ion batteries
Science, 18/12/2015, DOI: 10.1126/science.aac8260
http://dx.doi.org/10.1126/science.aac8260
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