Michel - Vendredi 18 Juillet 2008

Du nouveau en tectonique des plaques

On peut lire dans la plupart des ouvrages pédagogiques qu'une plaque océanique âgée sombre verticalement lorsqu'elle entre en subduction "spontanée" sous l'effet de son propre poids. On relie par ailleurs le retrait de la zone de flexure (fosse) - facilité par la traction verticale exercée par la plaque plongeante - à l'extension observée dans l'arc ou l'arrière-arc. Ces concepts ne sont pas validés par les données cinématiques actuelles qui montrent que toutes les fosses ne "reculent" pas et que celles qui reculent ne sont pas associées à de vieilles plaques océaniques. Contraint par la base de données la plus complète réunie à ce jour (1), un schéma plus réaliste est proposé par l'équipe de Géosciences Montpellier.


Concept "classique" adapté par E. Ball de Nicolas (1990, Les montagnes sous la mer)
d'après Uyeda et Kanamori (1979).
Les notions de pendage des lithosphères plongeantes en fonction de leur âge,
de subduction "spontanée" ou "forcée" et d'extension/compression de la plaque supérieure
associée au recul ou à l'avancée de la fosse sont remises en cause
par les études statistiques réalisées à partir des nouvelles bases de données (1)


Les observations cinématiques, tectoniques et géophysiques réactualisées par rapport à celles qui avaient nourri les modèles conceptuels des années 70 et 80 indiquent que, quel que soit le référentiel choisi, les fosses océaniques sont extrêmement mobiles avec des vitesses pouvant atteindre 15 cm/an en recul (vers l'océan) et 10 cm/an en avancée (vers l'arc), la moyenne avoisinant le centimètre par an en recul. Deuxième constat: ce sont les plaques jeunes qui reculent, et donc les vieilles qui avancent. Troisième constat: l'extension ou la compression de la plaque supérieure n'est pas corrélée au mouvement absolu de la fosse. Par exemple, la fosse des Mariannes avance alors qu'un bassin d'arrière-arc s'ouvre tandis que celle du Chili recule avec une cordillère qui se raccourcit. Quatrième constat: il n'y a aucune relation entre l'âge de la plaque en subduction et son pendage. La plaque Pacifique Crétacé s'enfonce par exemple avec un angle faible inférieur à 30° sous le Japon (2).

Ces nouvelles observations ouvrent un large champ de recherche pour une meilleure prise en compte des mouvements de fosses dans les processus dynamiques associés aux zones de subduction. Celles-ci ne peuvent plus être modélisées comme des frontières de plaques fixes mais comme des systèmes en équilibre avec le manteau environnant faisant l'objet d'interactions complexes. Le premier défi à relever est la mise en évidence de processus responsables de l'avancée d'une plaque plongeante plus dense que le manteau dans lequel elle s'enfonce.

Dans un article qui vient de sortir dans la revue Tectonics[i] [i](3), Serge Lallemand et collaborateurs proposent une approche mécanique visant à équilibrer les moments de "pliage" (la gravité) ou de "résistance au pliage" (la rigidité) de la plaque. Sans oublier que le manteau au sein duquel subduit la plaque est un milieu visqueux qui peut aider ou retenir selon que le panneau avance ou recule. En effet, le manteau, siège de mouvements propres et induits, joue un rôle "actif " ou "résistant" par rapport aux plaques lithosphériques qu'il importe de prendre en compte dans le schéma dynamique du système. On peut dire en simplifiant que le déplacement des fosses est fortement contrôlé par l'âge de la plaque en subduction - les plaques jeunes se pliant plus facilement -, et que la déformation aux bordures de plaques n'est que la résultante du mouvement différentiel de la fosse et de la plaque supérieure.


Simulation numérique décrivant l'évolution d'une subduction de type "Sandwich".
On impose un déplacement "lointain" de la plaque supérieure en retrait (vers la gauche)
de 1 cm/an tandis que la plaque océanique avance (vers la gauche) à la vitesse de 2 cm/an.
Les couleurs représentent la température et les flèches les déplacements.
L'érosion de l'arc est favorisée par la convection et l'hydratation dans le coin mantellique.
Un bassin d'arrière-arc se développe permettant à la fosse et au panneau plongeant de se
retirer à une vitesse très supérieure à la vitesse de convergence entre les plaques principales


Ce nouveau concept, né de considérations statistiques et mécaniques, a été validé en réalisant des simulations numériques dans lesquelles l'hydratation du "coin" mantellique a été prise en compte (4). Même tendance, mêmes mouvements, mêmes vitesses et même type de déformation dans la plaque supérieure viennent confirmer par une démarche indépendante la cohérence du modèle avec les observations. Ce type de modélisation qui intègre à la fois des aspects cinématiques, mécaniques et compositionnels permet d'aborder la complexité des rétroactions, notamment en matière de cinétique des processus. C'est ainsi que Diane Arcay et collaborateurs ont pu suivre l'évolution de zones de subduction caractéristiques sur le long-terme présentant de fortes similitudes avec les systèmes naturels.


Notes:

(1) Base de données "Subduction zones" tous les 200 km le long des fosses d'après Heuret A. et Lallemand S., Plate motions, slab dynamics and back-arc deformation ; Phys. Earth Planet Int., 149, 31-51, 2005.
(2) Lallemand S., Heuret A. and Boutelier D. - On the relationships between slab dip, back-arc stress, upper plate absolute motion and crustal nature in subduction zones; Geochem. Geophys. Geosyst., 6, 1, doi:10.1029/2005GC000917.
(3) Lallemand, S., A. Heuret, C. Faccenna, and F. Funiciello (2008), Subduction dynamics as revealed by trench migration, Tectonics, 27, TC3014, doi:10.1029/2007TC002212.
(4) Arcay, D., Lallemand S., and Doin M.-D. - Back-arc strain in subduction zones: Statistical observations vs. numerical modeling- Geochem. Geophys. Geosyst., 9, Q05015, doi:10.1029/2007GC001875.


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