Entre confirmation et démenti, on n'arrête pas de parler des neutrinos, pour savoir si ils sont ou non plus rapides que la lumière. Le dernier résultat en date arrive toujours des laboratoires nationaux de Gran Sasso: les mystérieuses particules auraient au maximum la même vitesse que les photons. Les résultats de l'expérience OPERA ne seraient pas corrects et la théorie d'Albert Einstein ne serait pas remise en question. Le résultat arrive d'ICARUS, le programme de recherche conduit par le prix Nobel Carlo Rubbia. Pour le moment les résultats sont présentés en preprint sur le site arXiv, et l'effervescence continue parmi les spécialistes de la physique des particules.
Mais revenons un peu en arrière: en septembre dernier les chercheurs de l'expérience OPERA annonçaient que les faisceaux de neutrinos avaient parcouru la distance entre Gran Sasso et le CERN avec 60 nanosecondes d'avance sur la vitesse qu'aurait mis la lumière. Un peu plus tard les mêmes chercheurs ont eu leurs premiers doutes, principalement à cause d'une erreur de synchronisation des horloges atomiques. Et maintenant de nouveaux résultats sont arrivés.
Schéma du faisceau de neutrinos CNGS entre le CERN et Gran Sasso.
© CNRS Photothèque / FADAY, Jean-Marc
"ICARUS est l'autre expérience de Gran Sasso, avec OPERA, réalisée pour étudier les neutrinos envoyés du CERN", explique Antonio Masiero, vice président de l'Institut National de Physique Nucléaire (INFN). "Les détecteurs sont très différents entre eux, mais ont le même objectif: mesurer les oscillations de ces particules qui arrivent sur les deux détecteurs".
Le détecteur ICARUS, se sert du Liquid Argon (LAr) detector, une technologie italienne développée par le professeur Rubbia en 1977. Il est composé de deux grands modules de presque 280 mètres cubes remplis avec 760 tonnes d'argon liquide (maintenu à une température très basse) et dans lequel est présent un champ électrique uniforme. L'argon est utilisé comme cible, et quand une particule frappe un de ses noyaux, le système génère un courant électrique dans 3 séries de fils, et l'évènement est ensuite reconstruit en 3D.
Quand il a été décidé de mesurer pour la première fois le temps de vol des neutrinos avec OPERA (en plus de leur oscillation), ICARUS n'était pas encore prêt à le faire simultanément. Mais la seconde fois, les deux détecteurs ont été utilisés. "ICARUS a utilisé le même faisceau - celui avec des 'paquets' plus étroit de neutrinos - mis à disposition par le CERN, afin de vérifier justement les premiers résultats de l'expérience OPERA. L'expérience a analysée 7 évènements et le résultat est que ces particules vont à la même vitesse que la lumière.
"Comme il arrive parfois dans la science, quelqu'un refait la même expérience, et obtient des résultats différents" a commenté Fernando Ferroni, directeur de l'INFN. "Dans ce cas précis, les doutes annoncés par la collaboration OPERA en septembre dernier ne sont que renforcés. Il est important qu'une fois encore ce soit une expérience réalisée dans les laboratoires nationaux de Gran Sasso qui a donné une importante contribution à la recherche de la vérité"