À l'heure actuelle, seuls environ 1% des étoiles hébergent des planètes géantes ou des naines brunes que nos télescopes peuvent photographier directement. Cette rareté pose une question: comment débusquer ces objets si discrets, noyés dans la lumière éblouissante de leurs étoiles hôtes ? Une équipe d'astronomes vient de réaliser une percée en utilisant une méthode ingénieuse qui combine des mesures spatiales et l'imagerie de pointe du télescope Subaru.
Deux nouveaux objets discrets ont ainsi été identifiés directement, l'un étant une planète géante et l'autre une naine brune. Ces découvertes sont les premières du programme OASIS, qui vise à repérer des objets cachés en analysant les mouvements stellaires. Selon l'étude publiée dans
The Astronomical Journal, cette approche permet de cibler précisément les étoiles dont la trajectoire est perturbée par la gravité d'un compagnon invisible, avant de les observer avec des instruments adaptatifs.
Image du télescope Subaru montrant la découverte de la planète HIP 54515 b, indiquée par la flèche, avec l'étoile hôte masquée.
Crédit: T. Currie/Subaru Telescope, UTSA
La planète, nommée HIP 54515 b, se trouve à 271 années-lumière dans la constellation du Lion. Avec une masse proche de 18 fois celle de Jupiter, elle orbite autour de son étoile à une distance comparable à celle de Neptune par rapport au Soleil. Sa détection a été rendue possible grâce au système SCExAO du télescope Subaru, qui produit des images extrêmement nettes en corrigeant les turbulences atmosphériques (voir plus bas), permettant de distinguer l'objet malgré sa proximité apparente avec l'étoile.
Le second objet, HIP 71618 B, est une naine brune (voir plus bas) située à 169 années-lumière dans la constellation du Bouvier. Avec une masse équivalente à 60 fois celle de Jupiter, elle représente une étape intermédiaire entre les planètes et les étoiles, ne possédant pas assez de masse pour déclencher des réactions nucléaires. Ces caractéristiques en font une cible idéale pour les futures missions d'observation.
Image de HIP 71618 B (indiquée par la flèche) prise par le télescope Subaru. L'étoile hôte de la planète est masquée sur cette image. Sa position est indiquée par le symbole d'étoile. L' image haute résolution et l' image sans texte sont disponibles via les liens.
Crédit: T. Currie/Télescope Subaru, UTSA
La naine brune HIP 71618 B joue un rôle particulier pour le futur télescope spatial Roman de la NASA. Avant cette découverte, aucun objet ne répondait parfaitement aux exigences strictes pour tester les coronographes de Roman, des systèmes essentiels pour imager des planètes semblables à la Terre. HIP 71618 B comble cette lacune, car sa luminosité et sa position sont adaptées aux longueurs d'onde opérationnelles, validant ainsi les technologies nécessaires pour la recherche d'exoplanètes habitables.
Le fonctionnement de l'optique adaptative
L'optique adaptative est une technologie clé utilisée dans les télescopes comme Subaru pour obtenir des images nettes depuis le sol. Elle corrige en temps réel les déformations causées par l'atmosphère terrestre, qui brouillent la lumière des astres. Des miroirs déformables ajustent leur surface milliers de fois par seconde, compensant les turbulences et permettant de distinguer des objets très faibles près des étoiles.
Sans cette correction, les observations directes de planètes ou de naines brunes seraient pratiquement impossibles, car leur lumière est noyée dans celle de leur étoile hôte. Les systèmes comme SCExAO sur Subaru exploitent cette technique pour atteindre une précision inédite, essentielle pour étudier des compagnons distants. Cela rend possible la photographie d'objets qui, autrement, resteraient cachés.
L'application de l'optique adaptative transforme l'astronomie en améliorant la résolution des images, comparable à celle qu'on obtiendrait depuis l'espace. Elle est utilisée dans divers projets, de la chasse aux exoplanètes à l'étude des galaxies lointaines. Son développement continue de pousser les limites de l'observation, facilitant des découvertes et préparant le terrain pour des missions futures.
La nature des naines brunes
Les naines brunes sont des objets célestes qui se situent à la frontière entre les planètes géantes et les étoiles. Elles se forment comme des étoiles, à partir de nuages de gaz et de poussière, mais leur masse est insuffisante pour déclencher la fusion nucléaire de l'hydrogène en leur cœur. Cela les empêche de briller durablement comme les étoiles, les laissant se refroidir lentement au fil du temps.
Avec des masses typiquement comprises entre 13 et 80 fois celle de Jupiter, elles émettent une faible lumière infrarouge due à la chaleur résiduelle de leur formation. Cette propriété les rend détectables avec des instruments sensibles, mais elles restent beaucoup moins lumineuses que les étoiles. Leur étude aide les astronomes à comprendre les processus de formation stellaire et planétaire, car elles représentent un chaînon manquant dans l'évolution des systèmes.
La découverte de naines brunes comme HIP 71618 B offre des opportunités uniques pour tester des technologies astronomiques. Leur luminosité modérée et leur distance par rapport aux étoiles hôtes en font des cibles idéales pour valider des instruments comme les coronographes, essentiels pour rechercher des planètes semblables à la Terre. Ainsi, elles jouent un rôle central dans l'avancement de l'exploration spatiale.