Adrien - Lundi 8 Mars 2010

Micro et nano-récupérateurs: vers les dispositifs auto-approvisionnés en énergie

Si le développement des capteurs et autres systèmes électroniques peut résoudre bon nombre de problèmes, un désavantage contraint leur utilisation: leur approvisionnement en énergie. Des capteurs placés dans des environnements difficiles d'accès ne sont utiles que s'il n'est pas nécessaire d'envoyer périodiquement quelqu'un pour remplacer les batteries. Il en va de même pour les systèmes électroniques remplaçant des fonctions vitales comme les stimulateurs cardiaques.


Le Dr Yi Qi tient dans sa main une "Piézo-gomme" composée d'un nanoruban de PZT cristallin inclus dans une plaque de silicone.
Le ruban de PZT est piézoélectrique: un courant électrique est généré lorsqu'il est déformé.
Le silicone est un matériau approuvé par la Food and Drug administration et est semblable à celui utilisé pour les implants.


Des phénomènes découverts au XIXème siècle permettent de produire de l'énergie électrique à petite échelle. Les matériaux thermoélectriques convertissent de la chaleur en énergie électrique. L'application de contraintes mécaniques sur des matériaux piézoélectriques permet aussi de produire de l'électricité. Dans le même but, les matériaux photoélectriques convertissent l'énergie lumineuse. Cependant, la nature de ces matériaux et les faibles énergies produites rendaient leur utilisation problématique jusqu'à présent. Pour obtenir une quantité d'énergie utilisable, il fallait produire des dispositifs macroscopiques comme les panneaux solaires.

La miniaturisation des composants électroniques a entrainé une diminution de l'énergie nécessaire à leur fonctionnement. Le gap énergétique qui existait entre les besoins de ces composants et ce qui pouvait être produit par différents matériaux à une échelle similaire se referme progressivement. Il est aujourd'hui possible d'envisager différents systèmes à l'échelle microscopique, voire nanoscopique, permettant de coupler un dispositif avec son unité propre d'approvisionnement en énergie de manière à lui assurer un fonctionnement permanent.

La différence de température entre le corps et l'atmosphère, les vibrations de n'importe quelle structure: toute une panoplie de phénomènes peut être utilisée pour assurer l'indépendance énergétique d'un éventail encore plus large d'appareils électroniques, du capteur microscopique au lecteur mp3. En voici quelques exemples récents.

Des panneaux solaires révolutionnaires


A Pasadena, en Californie, où le soleil brille toute l'année, des chercheurs du California Institute of Technology ont mis au point de nouvelles cellules photovoltaïques. Flexibles, et composées de seulement 2% en volume de silicium, ces cellules permettent de récupérer 85% de l'énergie lumineuse incidente en assurant un taux de conversion d'environ 95%. Cette cellule se place parmi les plus efficaces existantes.


Le matériau est composé d'un réseau de fils de silicium d'une longueur de 30 à 100 microns et d'un micron de diamètre. Ils sont inclus dans une matrice de polymères parsemée de particules diffusant la lumière pour assurer une meilleure absorption par les fils. Cette structure est ainsi complètement flexible contrairement aux wafers de silicium utilisés dans les panneaux photovoltaïques. Par ailleurs, chaque fil de silicium constitue une entité indépendante. Un accroc dans la toile photovoltaïque provoque seulement une dégradation locale, contrairement à ce qui se produit lorsqu'une cellule photovoltaïque classique est endommagée.

Une production facilitée, un coût moindre en silicium, une texture qui permet une large utilisation, une durée de vie prolongée, une efficacité prouvée: cette nouvelle structure est prometteuse. On pourrait même voir apparaître dans les prochaines années des manteaux photovoltaïques capables de recharger nos téléphones portables. Mais le photovoltaïque n'est pas le seul procédé capable de révolutionner l'habillement.

Des vêtements-batteries


A Berkeley, les chercheurs de l'University of California ont mis au point une nouvelle fibre piézoélectrique. Avec un diamètre de 500 nm, dix fois plus fines que les fibres textiles, ces fibres de polyfluorure de vinylidène (PVDF) pourraient être incorporées aux tissus actuels sans que le changement ne soit perçu au toucher. Les mouvements du tissu entrainent une contrainte mécanique sur les fibres qui induit la génération d'une tension et d'un courant électrique. Cette application des matériaux piézoélectriques n'est pas nouvelle. Mais la fibre créée par l'équipe de Berkeley est moins cassante et plus facile à produire en grande quantité que les fibres produites à partir de matériaux inorganiques.


Cette réalisation découle de la mise au point, au sein de l'University of California - Berkeley, en 2006, d'une technique de production et d'organisation des fibres: la near-field electrospining technique. Grace à cette technique, il est possible de tisser les fibres créées afin d'en faire un réseau permettant de cumuler les tensions électriques produites par chaque fibre. Le rendement moyen obtenu avec ces fibres organisées atteint alors 12.5%, plus du double de ce qui est obtenu avec d'autres matériaux. Une diminution du diamètre des fibres pourrait conduire à des rendements encore meilleurs.

L'homme bionique en marche


A l'université de Princeton, les chercheurs envisagent aussi le mouvement comme source d'énergie via des matériaux piézoélectriques. Pour cela ils ont mis au point une structure de nano-ruban de Titano-Zirconate de Plomb (PTZ) imprimés sur des feuilles de gomme de silicone (photo ci-dessus). 80% de l'énergie mécanique appliquée sur le piézoélectrique est convertie en énergie électrique. L'avantage de cette structure vient du fait qu'elle est biocompatible. La gomme de silicone est une substance approuvée par la Food and Drug Administration (FDA) et est déjà utilisée pour les implants. Il est donc possible d'intégrer la structure à l'intérieur du corps. Les mouvements provoqués par le déplacement ou même la respiration permettent alors de fournir de manière permanente de l'énergie électrique pour alimenter un stimulateur cardiaque par exemple. Il n'est alors plus nécessaire de procéder à une opération pour remplacer les batteries.

Cependant, il reste encore à étudier l'interface entre le PTZ et la gomme de silicone, s'assurer que le matériau vieillit bien et étudier comment relier ce générateur au système électronique qu'il est sensé alimenter. La réalisation de dispositifs énergétiques à l'échelle microscopique conditionne le développement d'une multitude de capteurs et autres systèmes électroniques. Ainsi, la quête énergétique actuelle ne se résume pas à l'éolien, au nucléaire ou encore au pétrole. Elle occupe aussi le monde microscopique.
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