Les puces électroniques qui enregistrent des données en employant des impulsions électriques pour réarranger les atomes pourraient révolutionner la prochaine génération des téléphones mobiles et des appareils photo digitaux. C'est ce que pensent les chercheurs qui ont élaboré un dispositif pouvant fournir des mémoires plus rapides et meilleur marché.
La mémoire des ordinateurs utilise un code binaire pour stocker ses informations dans des condensateurs qui peuvent maintenir les électrons dans deux états distincts, "on" ou "off". Mais comme il peut y avoir des pertes d'électrons, chaque condensateur doit être rechargé de milliers de fois par seconde. En cas de rupture d'alimentation, les données sont perdues.
Martijn Lankhorst et ses collègues des laboratoires de recherches de Philips à Eindhoven aux Pays Bas ont montré qu'au lieu d'utiliser des électrons, il est possible de créer deux états en utilisant un agencement ordonné ou désordonné des atomes.
Ils utilisent un matériau appelé tellurure d'antimoine (Sb2Te3), naturellement dans un état "amorphe", avec tous ses atomes pêle-mêle. Mais une petite impulsion électrique fournit assez de chaleur pour arranger les atomes en ligne, créant un agencement cristallin ordonné.
Une seconde impulsion à haute tension désagrège la structure cristalline, remettant le matériau à son état initial embrouillé. Un ordinateur pourrait faire la différence entre les deux structures car la phase cristalline a une résistance électrique très inférieure.
Le câblage de minuscules morceaux de tellurure d'antimoine créerait une puce mémoire qui pourrait stocker l'information de façon durable, sans devoir être continuellement rechargée en énergie.
"L'approche a un potentiel énorme", annonce Matthias Wuttig, scientifique des matériaux à l'université de RWTH à Aix-la-Chapelle en Allemagne. "On pourrait mettre en marche son ordinateur portable et travailler avec en moins d'une seconde," dit-il, "ou enregistrer et visualiser des films en intégralité sur son téléphone mobile."
L'idée n'est pas nouvelle, le concept a déjà été proposé dans les années 1970. Mais il a fallu du temps aux chercheurs pour trouver un matériau qui puisse de façon fiable changer d'état des millions de fois sans se dégrader, et pour développer les techniques requises pour câbler de si minuscules composants.
Deux états
La mémoire Flash est une autre tentative pour résoudre le même problème. Elle maintient aussi ses données indéfiniment, et est employée dans les appareils photo numériques et les cartes mémoire.
Cela fonctionne en utilisant des oxydes minéraux multicouches, qui sont soit remplis, soit vides d'électrons. Mais les cartes mémoire Flash sont une manière extrêmement onéreuse de stocker de grandes quantités de données. Chaque couche doit être enveloppée individuellement pour stopper encore les pertes en électrons. Il est également délicat de les miniaturiser plus car alors des effets quantiques qui diminuent leur fiabilité interviennent.
Le tellurure d'antimoine par contre est relativement bon marché et facile d'emploi et la miniaturisation du dispositif semble en augmenter les performances. Wuttig indique qu'une cellule mémoire dans une unité de mémoire Flash conventionnelle ne peut pas avoir une taille inférieure à environ 65 nanomètres, tandis que les cellules de mémoire à Sb2Te3 peuvent potentiellement descendre jusqu'à 10 nanomètres.
"Mais le facteur de succès essentiel est que la cellule mémoire est remarquablement simple à produire", précise Wuttig, "puisque ce n'est finalement qu'un gros bout de matière relié à deux contacts électriques. Les sociétés productrices de composants semblent enthousiasmées."
Il reste cependant plusieurs obstacles à surmonter avant que la technologie ne réussisse à envahir les téléphones portables. Par exemple, le rétrécissement de la cellule mémoire à de plus petites échelles pourrait provoquer la cristallisation de zones amorphes voisines à des températures beaucoup plus basses provoquant le mélange accidentel des données.