Michel - Mercredi 30 Mars 2005

Une mauvaise herbe qui défie les lois de l'hérédité

Une mauvaise herbe qui se développe dans les fissures des vielles routes est la cause actuelle d'un remue-ménage parmi les biologistes en défiant les lois fondamentales de la génétique. Des chercheurs américains ont publié dans la revue Nature une étude portant sur des échantillons d'une espèce de cresson (Arabidopsis thaliana) qui semblent éreinter sérieusement une règle fondamentale de l'hérédité: notre boîte à outils génétique est transmise, pour le meilleur et pour le pire, par nos parents et par eux seuls.

Mais dans ce cas bizarre, les mauvaises herbes semblent avoir des gènes dont la présence est attestée non pas chez leurs parents mais chez leurs grands-parents. Une équipe menée par Robert Pruitt à l'Université de Purdue dans l'Indiana, a porté son attention sur un gène nommé "hothead" (tête chaude), en se concentrant particulièrement sur la version défectueuse de ce gène qui provoque un regroupement anormal des pétales et des feuilles les uns contre les autres.

Dans la première génération de plantes qu'ils ont étudiées, un scécimen sur deux avait le gène défectueux. Ces plantes ont alors été croisées, et comme prévu un quart de la progéniture possédait deux gènes mutants, alors que les trois quarts restant en avaient seulement un ou pas du tout. Celles qui possédaient les deux gènes mutants présentaient toutes l'anomalie. Cependant quand ces plantes ont ensuite été croisées, quelque chose d'étrange s'est produit.

Suivant la règle communément admise, toutes les plantes de la troisième génération auraient du présenter l'anomalie, puisque les seuls gènes qu'ils possédaient leur venaient de leurs parents mutants. Pourtant 10 % des plantes de ce lot étaient normales. Bien évidement, Pruitt s'est tout d'abord demandé si des graines ou du pollen n'avaient pas souillé ces plantes, mais des expériences répétées ont exclu cette possibilité.

Il aurait pu également y avoir un autre gène dans le génome de A.thaliana (le modèle d'ADN le plus étudié parmi les plantes) qui dupliquerait le gène de "hothead" et qui s'immiscerait dans la plante mutante. Mais cette possibilité a été également éliminée.

R. Pruitt a donc par la suite proposé la théorie "iconoclaste" que la progéniture normale avait hérité des données génétiques d'une source autre que ses parents. Sa théorie: les bons gènes avaient été hérités non pas de l'ADN (le code génétique) mais par une molécule très similaire appelé ARN, un intermédiaire cellulaire qui lit les instructions de l'ADN et les transcrit en protéines.


L'idée est que l'information héréditaire serait stockée sur l'ARN comme un "gabari" moléculaire, et employée pour corriger les imperfections dangereuses. Si cela s'avère, la conclusion remarquable serait que nos modèles génétiques possède une trousse à outils cachée, léguée par nos grands-parents ou même par des aïeux plus lointains, qui pourrait servir à guérir les mutations d'ADN causes de malformations. Il est encore trop tôt pour savoir si cette capacité d'auto guérison est limitée à ce gène particulier ou à ce cresson plus généralement - ou encore à des conditions d'expérience spécifiques.
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